mercredi 3 août 2011

Qui sont les Assyro-Chaldéens ?


Une histoire riche et tragique

Après avoir contribué à l’essor de la civilisation mésopotamienne, berceau de la civilisation universelle, notamment entre les 3ème et 1er millénaires avant J.-C., le peuple assyro-chaldéen a été marginalisé après la chute des empires assyrien et néo-babylonien-chaldéen, respectivement en 612 et 539 avant J.-C. Il a alors constitué des entités politiques locales, qui ont cessé d’exister à l’ère chrétienne, à l’exception du petit royaume d’Edesse, au sud de l’actuelle Turquie, qui a pu maintenir une certaine indépendance entre les empires romain et perse.

Le peuple assyro-chaldéen a survécu sur sa terre ancestrale de Mésopotamie, en conservant sa cohésion nationale, ses traditions ancestrales, sa langue et sa culture millénaires. La nation assyro-chaldéenne -martyre tout au long de l’histoire-, persécutée successivement par les Perses achéménides et sassanides, les Arabes omeyyades et abbassides, les Turco-mongols, les Ottomans et les Kurdes reste pour l’instant presque totalement ignorée et oubliée de la mémoire de l’humanité.

A la fin du moyen-âge, les Assyro-Chaldéens et leur Eglise, cantonnés et isolés sur un minuscule territoire-refuge aux confins turco-persans, étaient entourés de peuples musulmans (Turcs, Kurdes, Arabes et Perses). A la veille de la Grande Guerre, ils ne représentaient plus que 400.000 personnes, survivant dans ces régions peu hospitalières. Divisés socialement entre tribus indépendantes ou achirets (comme celles de Hakkâri), rayas (populations des campagnes soumises aux seigneurs kurdes, les Aghas) et citadins, ils le sont également en matière religieuse entre Nestoriens, Chaldéens catholiques, Syriaques jacobites, orthodoxes et, sous l’influence de missionnaires anglo-saxons, Protestants.

La Grande Guerre a été pour eux une tragédie sanglante : plus de 250.000 Assyro-Chaldéens ont été massacrés, en Anatolie et en Perse, par les troupes ottomanes appuyées par des irréguliers Kurdes. Cette tragédie continue de marquer la mémoire collective de cette Nation, tout en restant ignorée de la communauté internationale, malgré une documentation historique importante. Rappelons aussi des massacres plus anciens, comme ceux de 1843-46 perpétrés par les émirs kurdes de Hakkâri et de Bohtan, ou plus récents, comme celui du 11 août 1933 à Semmelé, en Irak du nord, perpétré par l’armée royale irakienne avec la complicité active d’irréguliers Kurdes, qui coûta la vie à plus de 3 000 Assyro-Chaldéens, sans aucune intervention des grandes puissances. Tous ces massacres ont poussé les Assyro-Chaldéens à chercher refuge hors de leur région d’origine, notamment en Occident. Aujourd’hui, cette nation compte dans le monde environ un million et demi de personnes.

Religion

Chrétiens depuis le 1er siècle et à l’origine d’une grande chrétienté asiatique (le nestorianisme), ils attribuent leur évangélisation à Saint-Thomas et à ses disciples Addaï et Mari. Les historiens estiment que leur Eglise, à l’époque de sa grandeur (7ème-14ème siècles), comptait entre 60 et 80 millions de membres, établis sur un territoire géographique compris entre l’île de Chypre et la Mandchourie, répartis en 250 sièges épiscopaux. La stèle sino-araméenne de Si-Ngan-Fou, érigée à Xi’an, en Chine (781), en atteste.

Cette Nation-Eglise était dirigée par un catholicos-patriarche siégeant à Séleucie-Ctésiphon, puis à Bagdad. L’Eglise nestorienne, appelée autrefois Eglise des Perses de l’Orient ou Syrienne orientale, rayonnante durant des siècles, se trouva réduite, sous le coup des persécutions successives, à n’être plus que l’ombre d’elle-même. Au 16ème siècle, elle se retrouve divisée en deux patriarcats ou Eglises, avec deux hiérarchies distinctes : l’Eglise chaldéenne catholique (unie à Rome depuis 1553), et l’Eglise nestorienne, appelée Eglise de l’Orient des Assyriens depuis 1976.

Aujourd’hui, ces deux Eglises se sont engagées dans la voie de l’œcuménisme entre elles. La signature, le 11 novembre 1994, d’une « Déclaration Christologique Commune » entre l’Eglise de l’Orient des Assyriens et l’Eglise catholique (romaine), a représenté un tournant historique pour les Assyro-Chaldéens, parce qu’elle a suscité d’autres initiatives de nature œcuménique envers les autres Eglises de culture araméenne. Voici les principales Eglises de tradition assyro-chaldéenne :

-          l’Eglise chaldéenne catholique. (Catholicos : Mar Emmanuel III Delly, depuis décembre 2003, siégeant à Bagdad, Irak).

-          l’Eglise de l’Orient des Assyriens. (Catholicos : Mar Khanenya Denkha IV, depuis octobre 1976, siégeant à Chicago, Etats-Unis).

-          l’Ancienne Eglise Catholique et Apostolique. (Catholicos : Mar Addaï II, depuis 1972, siégeant à Bagdad, Irak).
         
De même, deux Eglises sœurs issues du Patriarcat d’Antioche et de culture araméo-syriaque : l’Eglise syriaque catholique; Catholicos (Mar Ignace Joseph III Younan, depuis le 21 janvier 2009, siégeant à Charfet, Liban) et l’Eglise syriaque orthodoxe d’Antioche (Catholicos : Mar Ignatius Zakka Ier Iwas, depuis septembre 1980, siégeant à Damas, Syrie). Malgré des siècles de séparation, ces deux Eglises se sentent aujourd’hui très proches des Eglises assyro-chaldéennes. Toutes ces Eglises tentent, depuis quelques années de se réunir dans une grande Eglise de culture araméenne, susceptible d’intégrer en son sein les éléments épars d’une chrétienté mésopotamienne autochtone. N’oublions pas de mentionner, au sein des Assyro-Chaldéens, une communauté protestante non négligeable, issue des diverses missions protestantes venues aux siècles passés des États-Unis d’Amérique, d’Angleterre et accessoirement d’Allemagne.

Langue et culture

Le patrimoine culturel des Assyro-Chaldéens (dans leur grande majorité de culture araméo-syriaque) est inestimable. L’araméen, qui a plus de 3000 ans d’existence, est conservé sous sa forme classique, le Syriaque, dans la littérature et la liturgie. Cette littérature est abondante et compte de nombreux auteurs (Bardesane, Saint-Ephrem, Narsaï, Timothée Ier Le Grand et bien d’autres), qui font l’objet de recherches et d’études de syriacisants d’Orient et d’Occident. Mais l’araméen est également bien vivant dans sa forme vernaculaire et parlée, appelée le Soureth ou néo-araméen oriental, qui s’est modifié et différencié légèrement d’une région à l’autre, au cours des siècles.

Une précieuse littérature en soureth s’est développée depuis le 17ème siècle et tout au long du 20ème. Le soureth emprunte, depuis quelques années déjà, les autoroutes de l’information, suite au développement de logiciels en araméens. La connaissance de cette langue permet déjà une meilleure compréhension des Evangiles, fondée sur le texte araméen du Nouveau Testament. Rappelons également la contribution des auteurs, penseurs, philosophes et autres médecins nestoriens, comme Houneyn Ibn-Ishaq, Mari Ibn-Souleyman ou Gabriel Boukhticho, aux sciences et littératures arabes et chrétiennes. La pratique quotidienne de l’araméen fait que cette langue est loin de mourir, à condition que ses locuteurs puissent continuer à la parler et à l’écrire, et à développer à travers elle une littérature pour la transposer et la faire vivre dans le troisième millénaire. Il est utile que des Instituts d’études araméo-syriaques puissent voir le jour, en diaspora notamment, où la liberté d’expression et d’association est possible. En Occident, où elles vivent, ces communautés doivent donner l’impulsion nécessaire pour réaliser ces projets. Il en va de la survie et de l’avenir de l’araméen, langue noble et importante dans l’histoire de la civilisation.

La communauté assyro-chaldéenne en France

L’origine de la communauté assyro-chaldéenne de France remonte à l’exode consécutif à la Grande Guerre, et aux exactions multiples dont les autorités turques de l’époque se sont rendues coupables. Plus tard, dans les années 1980, et notamment entre 1983-1984, un nouvel exode eut lieu, qui se solda par l’abandon du foyer ancestral de Turquie orientale. Confrontées à ces exodes massifs en provenance du sud-est de la Turquie, les autorités françaises firent preuve de compréhension envers ces plus vieux chrétiens du monde, en leur accordant l’asile.

Depuis, la majorité d’entre eux a obtenu la nationalité française ; le reste de la communauté est en instance de naturalisation. La communauté assyro-chaldéenne de France, jeune et dynamique, est un modèle d’intégration. Toujours soucieuse de se fondre davantage dans la société française, dont elle se sent membre à part entière, elle en est aussi un acteur socio-économique. Par son attachement constant à son identité, à sa culture, elle peut contribuer, dans la mesure de ses moyens, au développement et à l’essor de la société de sa terre d’accueil, où elle se sent chez elle, bien accueillie et acceptée.

Constituée d’apports successifs de population, notamment tout au long du 20ème siècle, une communauté de plus de 20.000 personnes vit en France, regroupée sur plusieurs pôles géographiques: Ile-de-France (Val d’Oise, Seine-Saint-Denis et Paris), Rhône (Lyon), Bouches du Rhône (Marseille), Haute-Garonne (Saint-Jorry et Toulouse) et ailleurs. Ces Français d’adoption, dès que leur situation financière le permet, investissent dans les villes où ils sont installés. Beaucoup sont propriétaires de leurs logements et participent à l’essor du commerce local. De plus, l’entraide qui les caractérise assure chez eux un taux de population active relativement élevé. Les jeunes font des études, et beaucoup se sont lancés dans la vie active et engagés dans la vie politique et économique de leur pays, ce qui permet d’envisager sereinement l’avenir.

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