mardi 16 août 2011

"L'exil n'est pas la solution"


Hubert Montfort - LA VIE

L'association "Fraternité en Irak" continue son périple au Kurdistan, à la rencontre des minorités religieuses. Avant de quitter Kirkuk, la capitale, le groupe a rendez-vous avec Chad, diacre à la cathédrale.

Il fait encore très chaud lorsque le soleil descend à l'horizon comme pour saluer notre dernière veillée nocturne à Kirkuk, l'une des plus anciennes cités du monde. La journée a été riche d'échanges et d'émotions. Nous avons rendez-vous avec Chad, diacre à la cathédrale.

L'hospitalité arabe n'est pas un mythe, elle l'est encore moins chez les Irakiens. Comme tout rituel multiséculaire, elle possède ses codes et ses passages initiatiques. Pour Chad, nous serons acceptés sous son toit à condition de rendre au préalable visite à ses parents, puis à ses beaux-parents. Une manière de mieux nous introduire dans sa famille et dans son quotidien. Avant d'y parvenir nous devons traverser en voiture les rues défoncées de Kirkuk, qui nous rappellent qu'il règne encore ici un vrai climat d'anarchie : les trottoirs sont poussiéreux et jonchés d'immondices, les voitures roulent à tombeau ouvert, quelques feux de poubelles illuminent la nuit. «Welcome in Irak» ! nous lance le diacre.

Après ces visites d’une ou deux heures, nous arrivons enfin dans le foyer familial de Chad, cellule confortable et tranquille où nous nous sentons en sécurité, mais aussi, d’une certaine manière, un peu en état de siège. Nous sommes alors accueillis par son épouse et deux petits visages poupons au sourire coquin : Manar (la lumière en arabe), neuf ans, fils aîné de notre hôte et sa petite sœur Maryam. Pendant que les parents s'affairent dans la cuisine, nous écoutons attentivement le garçon au piano : ses petits doigts habiles nous jouent l'hymne national irakien, tout un symbole pour ces gens déchirés entre leur attachement à cette terre natale et leurs rêves d’une vie plus sûre hors d’Irak.
Comme souvent depuis le début de notre voyage le dîner commence par les traditionnelles formules d’usage. Et cette fois, lorsque nous leur demandons comment nous pouvons leur rendre service en tant qu’Européens, les langues se délient. Chad et sa femme Maara acceptent de nous ouvrir leur cœur. Pour ce père, l’exil n’est pas la solution car quoi qu’il arrive un réfugié restera toujours un étranger aussi bien dans sa terre d’accueil que dans sa terre d’origine. « Cette terre est ma terre ! Personne n’oblige les oiseaux ou les animaux à quitter leurs maisons ! Alors pourquoi nous ? ».

Pour la mère de famille, en revanche, la fuite apparaît comme la seule manière d’échapper vraiment au danger, et de mettre à l’abri ses deux enfants. Pourquoi, nous dit-elle, chaque pays européen ne pourrait-il pas accueillir une petite partie des réfugiés chez lui ? Au sein de ce couple, le déchirement entre partir ou rester, illustre à lui seul, dans cette petite salle à manger de Kirkuk, toutes les difficultés qu’éprouvent les chrétiens d’Irak. Au sein du couple, c’est la communion qui a pris le pas sur le reste. Au hasard des regards, nous devinons que la complicité amoureuse s’est affermie au fil des difficultés. Alors que Maara se lève pour nous servir, Chad, la prenant par la taille, nous lance fièrement : « Regardez comme elle est belle ! ».

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