dimanche 23 octobre 2011

CD Qaraqosh : soutenez les chrétiens d'Irak

A travers ces chants, 2 000 ans d'histoire résonnent ici. Une belle façon d'encourager les communautés chrétiennes qui chantent à l’unisson.

Réussir à faire chanter à l'unisson les chrétiens d'Irak : c'est le pari de Jean Yves Labat de Rossi.

L'Œuvre d’Orient l'a soutenu dans son beau projet. Alors que les Chrétiens d’Orient, en particulier ceux d’Irak, sont aujourd’hui en danger et font l’objet de discrimination et d’attaques meurtrières. L’album musical «Qaraqosh», édité par Ad Vitam records, leur porte un vibrant hommage.

28 chants interprétés en arabe, syriaque, chaldéen, soureth présentent les différentes traditions liturgiques de ces communautés.

40% des bénéfices de la vente de ce disque seront reversés à l'Œuvre d'Orient

Pour découvrir un titre du CD sur Deezer cliquez ici

Pour acheter le CD et soutenir les chrétiens d'Irak téléchargez le bon de commande, et envoyer le à :

AdVitam Records - Le Prieuré, 23200 St-Avit-de-Tardes

La genèse de l'Histoire

Qaraqosh, veut dire "l'oiseau noir", en langue ottomane.

Aujourd'hui on utilise, de préférence, son nom antique "Baghdédé", nom assyrien, vieux de trois mille ans, qui veut dire "lieu de bonheur".

Les habitants de cette ville, en effet, sont une communauté heureuse comme les oiseaux qui chantent leur histoire depuis l'antiquité. Ils sillonnent la plaine de Ninive, dernière capitale assyrienne au Nord de la Mésopotamie, le fameux berceau biblique. Cette ville a gardé sa foi chrétienne, enracinée dans l'évangélisation de Saint Thomas, l'Apôtre du Christ, et deux de ses disciples, Mar Marie et Mar Addai. Malgré les multiples persécutions et invasions perses, arabes, mongoles, turques et enfin américaines, ils sont là, témoins de leur histoire. Depuis la chute de Saddam Hussein en 2003, la population a doublé. Aujourd'hui on dénombre plus de quarante-cinq mille habitants, dont plus de dix mille sont des réfugiés et des rescapés de la guerre. Les innombrables persécutions contre les chrétiens ont pris leur apogée à Mossoul et à Bagdad. Qaraqosh loin des zones fanatiques et limitrophe du Kurdistan, est devenue la nouvelle "Arche de Noé", où s'abritent les chrétiens, exilés dans leur propre pays. Le déluge des fanatiques et des fondamentalistes, a forcé les chrétiens à quitter leur berceau d'origine pour une nouvelle terre étrangère au Kurdistan ou dans les villages chrétiens de la pleine de Ninive dont Qaraqosh.

Alors, dans cette Arche, située 35 km dans le sud Est de Mossoul, est née une nouvelle communauté dans laquelle on prie et on chante notre épopée ensemble.

Tous se respectent, et partagent la joie et la misère, au-delà des frontières et appartenances confessionnelles, linguistiques ou ethniques.

Le 8 mars 2011, Jean-Yves Labat de Rossi, illustre musicien, pétri d'aventures et de bonté, débarque dans cette Arche Qaraqoshienne pour orchestrer les voix à l'unisson. Il est venu pour nous dire simplement : "il faut faire entendre au monde l'histoire de votre foi par votre voix".

Sa besace était une petite valise magique, et contenait un minuscule matériel d'enregistrement ultra sophistiqué qui pouvait même, me semble-t-il, capter le soupire des anges!

Carte blanche lui a été accordée par le conseil des évêques de Ninive pour réaliser son projet : "faire chanter cette communauté chrétienne malgré les souffrances qu'elle a subi depuis deux mille ans". Une centaine de jeunes, chorales et solistes, filles, garçons, diacres, prêtres, religieux et même des évêques de différentes confessions, ont lâché leurs voix, dans les micros perchés par Labat de Rossi.

Dansantes ou mélancoliques, ces voix, chargées du quart de ton ou de vibratos, ont réalisé une symphonie harmonieuse dans laquelle les voix humaines alternent avec celles du ciel.

Chanter au diapason et en glossolalie est le propre de ce superbe CD.

Les langues orientales - syriaque, chaldéen, arabe et soureth - se sont réunies dans un même répertoire pour chanter notre unité dans la diversité. Vous découvrez gravé dans ce coffret, l'aujourd'hui de cette communauté chrétienne dont la langue est l'araméen et l'origine la Mésopotamie. Une langue araméenne que Jésus a parlé jadis, ainsi que la Vierge Marie, Saint Joseph, Saint Thomas l'incrédule et les apôtres ; et elle est encore notre langue maternelle.

Avec Jean-Yves, nous avons chanté et prié à Qaraqosh le "Notre Père" – "Aboune dbashmaio", et le "Hallélouyah", pour marquer notre espérance malgré la violence et l'injustice mondiale, et vivre en harmonie avec "Dieu et les hommes", contre la cacophonie contemporaine.

Fr. Nageeb MEKHAIL - supérieur des Dominicains de Mossoul
Qaraqosh, le 29 juin 2011
02/11/2011
Ce spectacle joyeux et entraînant, qui a réjoui petits et grands, a aussi permis de collecter + de 1000€ pour les réfugiés irakiens en Syrie
 
 
La Compagnie du Bonheur
Sur scène
Spectacle offert par La Compagnie du Bonheur avec l'amicale participation de la paroisse St JB de Grenelle, Paris XVe, qui avait prêté la salle Pernet.

Réalisée par une quarantaine d'enfants et de jeunes de la paroisse de Viroflay pour des enfants irakiens, cet après-midi de cirque a permis de récolter plus de 1 000 € pour aider des familles irakiennes réfugiées en Syrie. Mgr Audo, archevêque chaldéen d'Alep, en charge de ces chrétiens, en fera bon usage, car tout manque en ces temps difficiles !
La Compagnie du Bonheur, dont la devise est : " Là où est la tristesse, que nous apportions la joie ! " a enchainé pendant près d’1h30 des numéros de jongleurs, équilibristes, marionnettistes, clowns, magiciens, danseurs acrobates.

Un immense merci à la Compagnie du Bonheur, à St Jean-Baptiste de Grenelle et au généreux public.

Cette initiative peut vous donner des idées.., n’hésitez pas à nous contacter nous sommes prêts à vous aider.

Paris : Conférence sur l’Eglise Syriaque d’Antioche

par le Père Eli Wardé, Curé de la Paroisse syriaque catholique de St-Ephreim
Conférence sur l’Eglise Syriaque d’Antioche :
  • fondation,
  • histoire,
  • tradition,
  • rite,
  • patrimoine,
  • culture,
  • évangélisation,
  • richesse,
  • importance, etc.

Date : mardi 15 novembre 2011 de 18h30 à 20h00
Lieu : salle Charles Péguy de l’Espace Bernanos (4, rue du Havre-Paris 9e)

Paris : Temps de prières pour la commémoration du 1er anniversaire de l’attentat de la cathédrale Notre Dame du Perpétuel Secours de Bagdad



la cathédrale Notre Dame du Perpétuel Secours de Bagdad

Source : Oeuvre d'Orient

Un an après l’attentat meurtrier perpétré contre la communauté chrétienne de Bagdad, l’Œuvre d’Orient invite les chrétiens à prier ensemble ce lundi 31 octobre à 20h30 à l’intention des victimes et de tout le peuple irakien.

L’Œuvre d’Orient organise une Veillée de prières à la paroisse Saint-François-de-Sales

15. rue Ampère 75017 Paris (métro Wagram)

en présence de Mgr Raphael Kuteimi, recteur émérite de la Cathédrale syriaque catholique de Bagdad et de nombreuses personnalités, ecclésiales et civiles.

lundi 31 octobre 2011 à 20h30
Faire mieux connaître les chrétiens d’Orient, témoigner de leurs difficultés et de leurs espérances auprès de tous est une des missions de l’Œuvre d’Orient.

« Nous devons agir pour que les chrétiens irakiens – et plus largement tous les chrétiens d’Orient - puissent vivre, chez eux, en sécurité et dans le respect des droits de l’homme. Cette action bénéficiera à l’ensemble de la population, par delà les différences de religions » rappelle le Père Pascal Gollnisch, directeur général de l’Œuvre d’Orient.

« Nous continuons d’affirmer notre désir de vivre avec nos compatriotes musulmans » affirmait Mgr Casmoussa, archevêque syrien catholique de Mossoul, au lendemain du massacre.

Par nos actes et nos prières, soutenons cette espérance !

Œuvre d’Eglise, l’Œuvre d’Orient est la seule organisation française entièrement dédiée au soutien des chrétiens d’Orient. Elle contribue à leur éducation, à leurs soins et les accompagne spirituellement depuis plus de 150 ans. Plus d’infos : www.oeuvre-orient.fr

mardi 27 septembre 2011

L’exode des chrétiens d’Irak continue. Mgr Yakan accompagne ces exilés


Baptême de la trinité à Istanbul
Mgr Yakan avec des fidèles irakiens

Source : Oeuvre d'Orient

Les Assyro-chaldéens de Turquie accueillent ces chrétiens, sur la route de l’exil, et rendent un peu moins pénible leur séjour en transit.

Dans une lettre récente au P.Pascal Gollnisch, Mgr Yakan, Vicaire Patriarcal des Assyro-Chaldéens de Turquie, fait écho des difficultés rencontrées par les chrétiens irakiens dans leur exil et remercie l’Œuvre d’Orient pour son aide apportée.

« Comme vous le savez l’exode des chrétiens d’Irak continue, même si cet afflux n’est pas aussi intense que fin 2010. En sept mois (de janvier à juillet 2011) nous avons accueilli plus de 645 personnes ; conséquences des menaces toujours actives contre les chrétiens. Le rapport du Human Right Watch en 2009 avait demandé aux autorités (Irakienne et Kurde) de protéger, dans tout le pays, les minorités qui sont prises pour cible, y compris au nord… Hélas, les mesures tardent à venir et à la fois les chrétiens et les autres minorités continuent à se réfugier dans les pays voisins.

En Syrie, Jordanie, Liban et Turquie, nous avons écouté toutes les difficultés de tous genres des réfugiés :

Leurs souffrance est à la fois matérielle, physique, intellectuelle et morale ; il est clair qu’à l’heure actuelle les réfugiés ne veulent plus retourner en Irak, même si on leur propose des aides au retour, car ils y sont périodiquement la cible d’attentats; le dernier en date, le 2 août 2011 à Kirkouk.

[…] La situation des réfugiés irakiens en attente n’est pas résolue… : en effet, dans tous ces pays voisins de l’Irak, les réfugiés n’ont pas le droit de travail et ne bénéficient pas de tous les services des États… : éducation, santé, logement, libre circulation… Ils sont tolérés, en transit pendant des mois, voire des années, jusqu’à ce qu’ils soient acceptés dans un pays d’accueil.

Les communautés chrétiennes et les associations font leur possible quotidiennement pour aider ces personnes sans patrie et sans ressources…

Pour ce qui est de la situation en Turquie, nous continuons à souffrir avec les exilés…

Comme vous le savez, uniquement sur le mois de novembre et décembre 2010, nous avons reçu 1.138 réfugiés dans un état dramatique et de peur… Aux plus nécessiteux parmi eux, nous avons habillé 157 enfants de 0-17 ans, distribué à ces familles traumatisées des bons alimentaires, vacciné les enfants, procuré des médicaments aux malades. […] Malheureusement, nous n’avons pas pu aider tous les réfugiés qui ont frappé à notre porte, (en cinq mois plus de 1 430 demandes). Nous privilégions les familles nombreuses (109), les femmes seules (26), les malades et les personnes seules.

Plus de 43 bénévoles, de toute religion, se sont mobilisés autour de moi pour poser leur regard sur ces réfugiés avec amour et se sont mis au service de ces réfugiés qui ont tout laissé derrière eux en Irak. […] Nous avons travaillé selon l’esprit humain et évangélique

« j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu froid et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger et vous m’avez recueilli… » Mt.25 ; 35-46

Avec ces bénévoles j’ai constaté l’application de ces paroles de Jésus, tout en pensant sincèrement à vous, et à tous les donateurs de l’Œuvre d’Orient. […]

Un grand merci à vous et à tous les donateurs de l’Œuvre d’Orient. Car vos dons sont distribués quotidiennement aux plus nécessiteux. En vérité sans votre aide, notre action serait très limitée !

Mgr François Yakan, Vicaire Patriarcal des Assyro Chaldéens de Turquie

Faire venir 17 irakiens de Mossoul, un défi relevé par le Père Sabri Anar


Source : Oeuvre d'Orient

Le curé de la paroisse chaldéenne de Sarcelles témoigne « On a eu l’expérience qu’on a voulu, on s’est battu pour la réaliser. »

17 garçons et filles de Mossoul, étudiants comme professionnels, sont partis aux JMJ avec la paroisse chaldéenne de Sarcelles. Accompagnés du prêtre qui les avait préparés en Irak, ils sont arrivés 2 jours avant le départ dans les diocèses espagnols et repartis une semaine après la fin : une occasion rare de partage et d’échange.

Comme un rêve

« Ces irakiens n’avaient jamais été aux JMJ. C’est une chance incroyable de découvrir ainsi, et à travers cette foule immense, la jeunesse chrétienne de l’Europe. Pour eux ce fût comme un rêve. Pour nous, c’était merveilleux d’assister à cette joie qui sortait des visages ».

Une intégration rapide

« S’adapter ne fût pas aisé pour des raisons pratiques. Ils ne savaient pas du tout à quoi s’attendre en terme d’organisation. Pour la première fois ils dormaient dans un sac de couchage, se lavaient dans des douches publiques et dormaient par terre ! Les membres des 2 groupes (français et irakiens) ne se connaissaient pas. Pourtant très vite des amitiés se sont nouées. Des personnes extérieures au groupe, qui s’attendaient à quelque chose de spécial de la part des irakiens ont dû être déçues ! Car tous nos jeunes, de Sarcelles comme de Mossoul, parlaient chaldéen. Ils se sont trouvés plein de choses en commun ».

Un autre regard

« Cet échange a été très enrichissant : les irakiens appréhendaient ces journées autrement. La différence entre un jeune d’Europe et un jeune d’Orient se voyait dans la manière de réagir, d’accepter la réalité des choses. Dans leur pays ils vivent une autre expérience de la Foi en la confrontant au quotidien avec l’Islam, avec la pauvreté, la souffrance, la situation économique, sociale et culturelle… »

Et après ?

« Le contact entre nous va continuer. On ne sait pas encore très bien comment car la distance est grande. Leur évêque, Mgr Nona, Evêque chaldéen de Mossoul, est venu cette semaine en France, et on a célébré ensemble une messe d’action de grâces pour les JMJ.

Les orientaux sont partis transformés, en ayant le rêve de revenir. Cela a du être dur de retourner dans la « prison » qu’est devenue Mossoul. On a du mal à réaliser vers quel avenir ils sont repartis. »

« Merci à l’Œuvre d’Orient de nous avoir permis de vivre ce projet ! »

Patriarche Bechara Raï : ce qu’il a vraiment dit à Paris


S.B. Bechara Raï et Père Pascal Gollnisch
lors de la conférence de presse à la CEF

Source : Oeuvre d'Orient

Lors de la conférence de presse organisée par l’Œuvre d’Orient et la CEF à l’occasion sa visite en France, les propos tenus par le patriarche maronite Bechara Raï ont suscité une importante polémique au Liban et des réactions contrastées tant en France qu’aux États-Unis. Son discours concernant la Syrie et le Hezbollah, remis dans son contexte, prend un tout autre sens que celui donné par les journalistes libanais accompagnant la délégation.

Antoine Fleyfel, libanais, Docteur en Théologie (Strasbourg) et en Philosophie (Paris 1 - Sorbonne) a assisté à cette conférence de presse le mercredi 7 septembre 2011 pour l’Œuvre d’Orient. Il nous résume, sans parti pris, ce que le patriarche a vraiment dit.

La visite du patriarche maronite Bechara Raï s’inscrit dans le cadre d’une ancienne tradition, consistant en ce que le président français adresse au prélat nouvellement élu une invitation officielle pour visiter la France. Cette visite met en exergue des rapports d’amitié historiques, véhicules de la francophonie au Liban qui partage avec la France des valeurs communes, comme la liberté, les droits de l’homme, la démocratie, la pluralité et l’ouverture.

Les chrétiens au Liban et au Moyen-Orient

Le patriarche a exposé la situation des chrétiens au Liban, où la communauté maronite, qui a eu une contribution significative pour la renaissance du monde arabe, joue un rôle politique important. Celui-ci dérive de la nature de la République libanaise, fondée sur un pacte oral établi entre les chrétiens et les musulmans, qui partagent le pouvoir politique à égalité, dans le cadre d’un État civil respectueux du pluralisme religieux. Cela fait exception parmi les pays du Moyen-Orient, gouvernés par des régimes théocratiques ou totalitaires.

« La guerre a été dépassée au Liban, dit le patriarche, les blessures ont été pansées. Il n’y a plus de problèmes de convivialité entre les chrétiens et les musulmans. Nous sommes en train de reconstruire notre pays ensemble ! ». Cependant, c’est au niveau politique que les choses se compliquent, puisque le « problème actuel, lié aux conjonctures régionales et internationales, se résume au Liban par un conflit entre musulmans chiites et sunnites. Par conséquent, nous vivons une crise politique au niveau du gouvernement, à cause des deux forces qui cherchent chacune à paralyser l’autre, et nous payons le prix… parce que cela crée aussi des divisions entre les chrétiens, à cause des options qu’ils ont prises en s’alliant aux sunnites ou aux chiites ».

L’Église maronite joue un rôle pour apaiser cette tension intra-chrétienne et intra-libanaise. Mgr Raï évoque les réunions mensuelles qu’il organise avec les responsables de deux camps chrétiens en vue de leur rapprochement et de la résolution de leurs problèmes communs, comme les ventes de terrain, l’absence des chrétiens de certains postes de la fonction publique, la loi électorale, etc. Par ailleurs, suite au souhait des musulmans, un sommet des responsables religieux musulmans et chrétiens s’est tenu au siège du patriarcat maronite au mois de mai. L’organisation d’un sommet islamo-chrétien moyen-oriental, qui déboucherait sur une déclaration commune de convivialité, est en cours. Cela devrait avoir des conséquences bénéfiques pour la convivialité islamo-chrétienne au Moyen-Orient, surtout en Égypte et en Iraq.

Par ailleurs, le patriarche a rappelé que les chrétiens moyen-orientaux contribuent au développement de leurs pays, mais subissent cependant des régimes théocratiques. Cela est la source du problème des chrétiens dans les pays du monde arabe, où ils sont réduits à être des citoyens de « second degré ». C’est pour cela qu’ils conçoivent le Liban comme leur espérance, parce que sa formule de convivialité constitue un espoir d’avenir.

Le printemps arabe

Les injustices au monde arabe mènent aux réclamations justes des peuples qui veulent vivre dignement : « Nous sommes avec toutes les réformes, dit le patriarche, mais nous avons exprimé nos craintes aux hautes autorités françaises », et elles sont au nombre de trois.

1. La crainte de remplacer des régimes actuels par d’autres plus durs et intégristes.

2. La crainte d’aller vers des guerres civiles de type confessionnel comme en Iraq.

3. La crainte du « fameux projet du nouveau Moyen-Orient » qui mènerait à la partition, voire à l’effritement des pays arabes en petits États confessionnels.

Concernant la Syrie, Mgr Raï rappelle les principes et les constantes de l’Église qui respecte les droits des peuples et leur liberté, qui condamne la violence et la guerre, et qui ne prend pas position en soutenant un régime ni en s’y opposant. Cependant, « nous ne nous soucions pas seulement des peuples des pays voisins… mais aussi de nos chrétiens parce que nous payons toujours le prix ». C’est dans ce cadre que le patriarche déclare : « Nous avons enduré le régime Syrien au Liban, je ne l’oublie pas. Mais M. Assad a commencé une série de réformes politiques. Il fallait lui donner plus de chances pour soutenir les réformes internes, et surtout pour éviter la violence ».

Le Hezbollah et l’appui de la France

« Le Hezbollah pose un problème à cause de ses armes qu’il dit porter pour défendre sa terre ». Pour résoudre ce problème, le patriarche maronite demande de l’aide à la France, afin d’invalider les trois arguments utilisés par le Parti de Dieu pour justifier la présence de ses armes, à savoir : a) l’occupation d’Israël d’un bout de territoire du sud libanais, b) le problème des réfugiés palestiniens armés au Liban, c) et les faibles capacités militaires de l’armée libanaise qui serait incapable de protéger le territoire national. En appliquant les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies a) sur le retrait entier d’Israël du Liban, b) sur le retour des réfugiés palestiniens, c) et en armant convenablement l’armée libanaise, Mgr Raï considère qu’on éliminera les causes pour lesquelles le Hezbollah justifie le maintien de ses armes.

Enfin, Sa Béatitude Béchara Raï rappelle que le Synode des évêques pour le Moyen-Orient est un acte prophétique qui donne un élan et une poussée aux chrétiens d’Orient. Il promet de poursuivre son activité dans le sens de cet élan, en agissant sur un plan pastoral, avec les responsables politiques de la région et avec la communauté internationale.

mercredi 7 septembre 2011

Irak: Les archevêques de Mossoul et d’Erbil pessimistes sur le sort des chrétiens d’Irak


Source : APIC

Les musulmans convaincus de la supériorité de leur religion

Bruxelles, 7 septembre 2011 (Apic) Les chrétiens sont aujourd’hui encore pourchassés à l’intérieur de l’Irak, et le reflux de nombre de chrétiens irakiens réfugiés en Syrie suite aux graves troubles que connaît ce pays les met dans une situation dramatique. Dans des villes comme Mossoul et Bagdad, les chrétiens sont toujours en danger de mort, affirme Mgr Emil Nona, archevêque chaldéen de Mossoul.

Irak Mgr Emil Nona, archevêque chaldéen de Mossoul (Photo: Jacques Berset)

Mgr Emil Nona participait mardi soir 6 septembre à Bruxelles, en compagnie de Mgr Bashar Warda, archevêque chaldéen d’Erbil, à une manifestation organisée par la Commission des Episcopats de la Communauté européenne (COMECE).

Les musulmans disposés au dialogue n’ont aucune influence

Au cours de la réunion de la COMECE, tant Mgr Nona que Mgr Warda ont relevé qu’un dialogue avec l’islam, tel qu’ils le vivaient sur place, n’était pas possible. Les partenaires musulmans à ce dialogue sont fondamentalement convaincus de la supériorité de leur religion. Et ceux qui seraient prêts à discuter avec les chrétiens n’ont aucune influence au sein de la communauté musulmane, déplorent-ils.

En raison des troubles qui paralysent la Syrie depuis quelques mois, les chrétiens irakiens réfugiés dans le pays voisin reviennent, mais ils sont désormais des sans-abri en Irak. Dans l’archidiocèse de Mossoul, a déclaré Mgr Nona, le nombre de chrétiens est passé depuis 2003 – date de l’invasion américaine de l’Irak – de 30’000 à 13’000 aujourd’hui. Celui qui en a les moyens, essaie de fuir et de s’installer à l’étranger, en particulier en Europe, tandis que d’autres se réfugient dans les régions septentrionales du pays, au Kurdistan irakien.

Manque de perspectives au Kurdistan

Dans la région autonome du Kurdistan, les chrétiens ne sont certes pas en danger de mort comme à Mossoul, mais la sécurité, tant du point de vue social qu’économique, fait défaut. Dans cette région, le nombre des chrétiens est passé depuis 2003 de 5’000 à 28’000. L’Eglise est pour ces réfugiés la seule instance qui les aide dans tous les domaines, que ce soit pour les questions de logement, de places de travail, ou pour les soins médicaux.

Cette situation place les agents pastoraux devant d’énormes tâches, ont souligné les deux prélats irakiens. Plusieurs fois dans leur vie, nombre de ces chrétiens ont tout perdu: cela vaut pour la génération de ceux qui ont été chassés des villages chrétiens du Kurdistan du temps de Saddam Hussein, et qui y retournent pour fuir la violence dans les autres parties de l’Irak où ils s’étaient réfugiés à l’époque.

Les deux archevêques chaldéens ont appelé les membres de la minorité chrétienne à les aider à mettre sur pied des institutions, comme des jardins d’enfants, des écoles et des universités. Mgr Nona et Mgr Warda relèvent que ces institutions créent des places de travail mais contribuent également à faire de cette petite minorité une forte communauté.

Le régime syrien ne protège pas les minorités mais les utilise pour se protéger



Source : Blog d'Ignace Leverrier, ancien diplomate

Le régime syrien excelle à se donner des rôles. Il a en effet besoin de démontrer à l’opinion publique intérieure comme à la communauté internationale qu’il est "indispensable" aux équilibres régionaux, à défaut de contribuer à la paix régionale. Installé à la tête de ce régime, en juillet 2000, par un coup d’état constitutionnel - l’amendement de l’article 83 fixant à 40 ans l’âge minimum d’accession à la magistrature suprême, ramené à 34 ans en un éclair pour permettre l’accession au pouvoir de celui que le défunt "président éternel" Hafez Al Assad avait désigné comme son successeur - Bachar Al Assad s’est efforcé, au cours de ses dix premières années de pouvoir, de se forger une image. A l’intérieur et face aux opinions arabes, il a tenté de se faire passer simultanément pour le champion de la résistance aux projets israéliens, le héraut du refus des injonctions néo-impérialistes, le porte-parole des fiertés et dignités arabes, l’ultime protecteur des Palestiniens aspirant à la reconnaissance de leurs droits spoliés, etc… Face aux Etats occidentaux, publiquement soucieux de la survie des communautés chrétiennes de la région menacées de disparition, et plus discrètement engagés dans la défense des intérêts légitimes comme des agissements les moins admissibles de l’Etat d’Israël, il a veillé, comme son père avant lui, à faire oublier que la politique du régime, officiellement laïque, reposait en réalité sur des bases éminemment confessionnelles, de manière à se présenter en "protecteur des minorités".

Au cours des années écoulées, Bachar Al Assad a ainsi mis en scène la cohabitation sans nuage, à l’ombre du Parti Baath, des multiples confessions - mais non celle des diverses ethnies… - qui composent la société syrienne et qui lui donnent son incomparable richesse. Rares sont les délégations d’académiciens, de parlementaires, de lobbyistes occidentaux à avoir échappé, lors de leurs visites en Syrie, au rite de la rencontre avec un panel de dignitaires religieux, soigneusement choisis au sein des différentes communautés musulmanes et chrétiennes. On peut comprendre que ces délégations n’aient pas trouvé à s’étonner de l’absence, parmi leurs interlocuteurs, d’un représentant de la communauté juive syrienne, aujourd’hui réduite à sa plus simple expression, et avec qui, pour ménager certaines susceptibilités, les rencontres sont toujours entourées d’une grande discrétion. On comprend moins que ces délégations ne se soient jamais étonnées du fait que, dans ce pays "laïc", leurs interlocuteurs privilégiés étaient des religieux et non pas des responsables, si ce n’est de partis politiques d’opposition, du moins de formations cooptées par le "parti dirigeant de l’Etat et de la société" pour offrir l’illusion du multipartisme en Syrie. Quoi qu’il en soit, la mission des dignitaires religieux désignés par le régime pour ces entretiens n’était pas de tresser les louanges du pouvoir qui les avait convoqués, au Complexe Ahmed Kaftaro ou au monastère de Mar Moussa de préférence. Plus subtilement, elle était de démontrer aux visiteurs, par leur attitude et par leurs propos, "la profondeur de la fraternité et de l'amour" qui, grâce aux efforts du régime et du chef de l’Etat, régnait partout en Syrie, entre eux-mêmes et leurs ouailles.

Il est grand temps de montrer ou de redire ce qu’il en est de la "protection des minorités" par le pouvoir syrien. Ce rappel s’adresse à ceux qui, fermant les yeux sur les crimes commis au quotidien contre la population syrienne dans son ensemble, continuent de plaider pour le maintien du régime en place, sous le prétexte qu’il serait seul en mesure de garantir la pérennité, dans des conditions décentes, non seulement des minorités confessionnelles dans son pays, mais également des chrétiens partout dans la région. Il s’adresse également à ceux qui parent ce régime de toutes les vertus, et qui sont prêts à fermer les yeux sur l’appartenance de la majorité des victimes à la majorité sunnite de la population, implicitement considérée comme favorable aux Frères Musulmans, si ce n’est gagnée à la cause de prétendus "groupes terroristes islamiques armés", dont on a naguère rappelé qu’ils faisaient davantage le jeu du régime que celui de la contestation.

Il est remarquable que ceux qui évoquent la situation plus que dangereuse dans laquelle se retrouveraient les minorités en cas de disparition du régime syrien - comme le député franco-libanais Nabil Nicolas, proche du général Michel Aoun, déclarant (le 23 mai 2011) sur la chaîne Al Manar du Hizbollah que "la chute du régime syrien signifierait l'élimination des minorités de la région", ni plus, ni moins... -, évitent pudiquement de désigner contre qui ce régime "protège" les minorités et "garantit leur avenir". Faisons-le donc pour eux et nommons l’ennemi, la menace et le danger : la communauté sunnite majoritaire en Syrie. Il n’est pas difficile de donner du crédit à une telle affirmation. Il suffit de forcer le trait et de s’arranger pour présenter cette communauté comme liée d’une manière ou d’une autre aux ennemis déclarés du régime syrien : les Frères Musulmans et les organisations islamistes radicales. Peu importe que les premiers nommés aient été éradiqués en Syrie et que, condamnés à mort depuis 1980, ils n’y comptent plus aucun adhérent. Peu importe qu’ils aient dit et répété, depuis le début des années 2000, pour ne pas remonter au-delà, qu’ils avaient eu tort, dans les années 1970-1980, de se lancer dans la partie de bras de fer que leur proposait alors le pouvoir et qu’ils avaient définitivement renoncé à la violence. Peu importe qu’ils affirment, depuis le début de la contestation en Syrie qu’ils n’en sont pas à l’origine et que, s’ils l’approuvent et la soutiennent, ils ne la conduisent pas et ne la contrôlent pas. Peu importe que l’existence et l’autonomie des organisations islamistes radicales par rapport au pouvoir soient entourées en Syrie de bien des interrogations. Peu importe qu’aucun témoin impartial n’ait été en mesure de confirmer leur présence dans les manifestations en Syrie. Peu importe qu’elles n’aient jamais publié un seul communiqué revendiquant leurs opérations ou annonçant leur intention de mettre en application un programme qui apparenterait bientôt ce pays à l’Arabie Saoudite.

En réalité, ce qui inquiète les amis du régime syrien c’est la possibilité que le pouvoir perde sa forme actuelle, et qu’il échappe à la famille Al Assad. Issue de la communauté alaouite minoritaire, celle-ci s’est arrangée pour édifier autour d’elle une sorte de ceinture de sécurité dans laquelle elle a regroupé, face à la communauté majoritaire privée de toute emprise sur la vie politique, l’ensemble des minorités. La question n’a rien de religieux. Elle est bassement utilitaire. Contrairement à ce que la propagande du régime colporte, y compris avec le relais d'une religieuse chrétienne contrainte de rembourser d'une manière ou d'une autre les multiples passe-droits dont elle a bénéficié de la part des autorités syriennes, personne ne songe en Syrie à chasser les chrétiens vers Beyrouth, à mettre au tombeau les alaouites, à exterminer les ismaéliens, à éradiquer les druzes, les baha’is ou les yézidis. En revanche, beaucoup, dans l’ensemble des communautés, et en particulier dans la communauté sunnite puisqu’elle est à la fois majoritaire et marginalisée, veulent en finir avec un système qui n’est pas bâti sur des principes politiques, mais sur des ambitions strictement familiales, permettant à une variante locale de la famille Corleone de confisquer le pouvoir depuis plus de 40 ans, d’en gérer la sécurité au mieux de ses seuls intérêts et de capter à son profit l’essentiel des ressources économiques du pays.

Des travaux savants, comme ceux de l’ambassadeur hollandais Nikolaos Van Dam (The Struggle for Power in Syria: Sectarianism, Regionalism and Tribalism in Politics, 1961–1994), ou de l’universitaire irakien Hanna Batatu (Syria’s Peasantry, the Descendants of its Lesser Rural Notables, and Their Politics) ont expliqué depuis longtemps comment le pouvoir a échu en Syrie, au tournant des années 1960-1970, entre les mains d’un groupe de militaires appartenant à la communauté alaouite, et comment ils se sont arrangés pour en conserver le monopole. La lutte pour le pouvoir a eu deux volets : au plan politique, elle a vu le Parti Baath se débarrasser progressivement des autres formations politiques, en particulier le Parti de l’Union Socialiste Arabe (nassérien), avec lequel il avait mené, en 1963, le premier coup d’état ; au niveau social, elle a vu la communauté alaouite traversée, en 1970, par une lutte intestine entre les partisans de Hafez Al Assad et de Salah Jadid pour la dévolution ultime du pouvoir, une fois les représentants des autres communautés définitivement asservis ou mis à l’écart.

Sous le couvert du Parti Baath, qui établissait son contrôle sur les travailleurs et les paysans, les militaires alaouites ont cherché à fédérer autour d’eux des représentants de toutes les autres communautés, restreignant leur choix à ceux qui, renonçant à contester l’accaparement du pouvoir réel par des membres issus d'une minorité, étaient prêts à jouer le rôle de comparses et à se contenter d'assumer des fonctions dans le pouvoir virtuel. Les crises successives - la guerre d’octobre 1973, l’entrée des troupes syriennes au Liban en 1976, le mouvement de contestation du Parti Baath du début des années 1980, la lutte armée avec les Frères Musulmans en 1982… - n’ont rien modifié à cette situation, bien au contraire. Ce n’est pas parce que des sunnites ont occupé et occupent encore des postes de grande visibilité - la vice-présidence de la République (Abdel-Halim Khaddam, de 1985 à 2005, puis Farouq Al Chareh et Najah Al Attar, jusqu’à ce jour), la direction du conseil des ministres (Abdel-Raouf Al Kasm, Mahmoud Al Zoubi, Moustapha Miro, Naji Otri, Adel Safar), le perchoir de l’Assemblée du Peuple (Abdel-Qader Qaddoura, Mahmoud Al Abrach), la fonction de Chef d’Etat-major… devenu un tremplin pour le portefeuille de ministre de la Défense (Moustapha Tlass, Hasan Tourkmani) - qu’ils ont pesé et qu’ils pèsent de quelque manière dans la vie politique. Les alaouites, qui monopolisent le pouvoir réel, grâce au contrôle et au noyautage par des membres de leur communauté des services de sécurité, des unités d’élite de l’Armée et de la Garde Républicaine, attendent de ces faire-valoir, comme des intellectuels, des hommes de religion et des hommes d’affaires de leurs communautés, qu’ils fassent nombre autour d’eux et qu’ils contribuent, comme le Front National Progressiste dans la vie politique, à offrir l’apparence d’un système syrien ouvert et pluraliste.

Pour convaincre les uns et les autres de se rallier à lui, sous Hafez Al Assad comme sous Bachar Al Assad, le régime a recours à divers moyens et subterfuges : l’idéologie pour les uns, l’intérêt matériel pour d’autres, l’aspiration à la reconnaissance et aux honneurs pour quelques uns, la méfiance si ce n’est la peur des autres communautés pour tous… Les sunnites, qui représentent, arabes et kurdes réunis, entre 75 et 80 % la masse de la population, sont devenus un épouvantail utile dans cette tentative de rassemblement des minorités. Surtout après les événements sanglants de la fin des années 1970 et du début des années 1980. La propagande du régime a alors consisté à opposer à toute demande d’ouverture politique la perspective d’une arrivée au pouvoir des Frères Musulmans, fanatiques, sanguinaires, rétrogrades, traitres à leur pays, vendus à l’Occident... Mais, vis-à-vis de ceux qui refusaient de se laisser tromper, séduire et finalement coopter par lui, le régime n’a pas craint d’utiliser les armes réservés à ses "ennemis" politiques : la menace, le chantage et finalement les sanctions.

Tout en affirmant "protéger" les minorités, le régime syrien n’éprouve aucune gêne à sévir contre les membres de ces mêmes minorités qui refusent de se comporter à son égard en "dhimmi-s" politiques, autrement dit en "protégés", et qui réclament d’être traités, eux et tous les autres Syriens, en citoyens libres, égaux en droits et en devoirs. Faut-il rappeler, pour ne prendre qu'un exemple, que les Assyriens, qui ont jadis donné leur nom à la Syrie et qui, entre Syriaques et Chaldéens, y comptent près d’un million d’âmes, y sont aussi brimés que les Kurdes, les Arméniens ou les Tcherkesses, dans leurs revendications "nationales" qui n'ont rien de séparatistes ? Ils n’ont le droit ni de parler leur langue hors de leurs églises, ni de l’enseigner, ni de l’utiliser pour imprimer des journaux, ni de bénéficier de programmes de radios ou de télévisions dans leur langue, ni d’arborer leur drapeau "national", ni de célébrer leurs festivités… Faut-il rappeler que leur principal mouvement, l’Organisation Démocratique Assyrienne (ODA), a eu, dans la Syrie baathiste, une histoire mouvementée, parsemée de prisonniers politiques et de martyrs ? Faut-il rappeler qu’ils ne se reconnaissent nullement dans "l’Assyrien de service", Saïd Ilya, "élu" dans les conditions habituelles - c’est-à-dire "nommé" - au Commandement Régional du Parti Baath, lors de son 10ème congrès de juin 2005, pour faire croire que les Assyriens de Syrie, l’ensemble des chrétiens de ce pays et les habitants du gouvernorat de Hassakeh disposaient d’une voix au sein de la plus haute instance du parti réputé diriger l’Etat et la société ? Faut-il rappeler que, depuis le début des troubles, une douzaine de cadres dirigeants de l’ODA ont été emprisonnés parce qu’ils participaient aux manifestations, et qu’ils réclamaient de ce "régime-qui-protège-les-minorités" qu’il modifie son comportement vis-à-vis de l’ensemble de la population, qu’il lui accorde les libertés figurant en toutes lettres dans la Constitution et qu’il renonce à monopoliser le pouvoir ?

On pourrait en dire beaucoup sur les conditions faites à chacune des multiples communautés confessionnelles qui composent la Syrie. Elles sont toutes "protégées" de la même manière, avec la même brutalité que l’on voit à l’œuvre depuis le début du mouvement de contestation de la part des militaires et des moukhabarat accourus "au-secours-des-populations-en-butte-aux-islamistes-radicaux" à Daraa, Jisr al Choughour ou Maaret al Numan. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les alaouites ne sont pas mieux lotis à ce niveau que les autres. Du moins ceux d’entre eux qui refusent de faire allégeance au régime de Bachar Al Assad. Les uns parce qu’ils n’ont pas pardonné à Hafez Al Assad son comportement vis-à-vis de Salah Jadid, décédé en 1993 dans la prison où il avait été jeté en 1970. D’autres parce qu'ils n'ont toujours pas avalé la transmission dynastique du pouvoir et l’installation à la tête de l’Etat d’un jeune homme sans expérience, dont le seul atout était d’être "le fils de son père". D'autres encore parce que leurs sympathies sont situées plus à gauche que le "socialisme de la mamelle" du Parti Baath. Beaucoup enfin parce qu’ils n’ont jamais retiré le moindre profit, dans les villes, mais surtout dans les villages et les campagnes, de la monopolisation du pouvoir en Syrie, depuis près de 50 ans, par des membres de leur communauté. Leur situation est peu enviable. Ceux qui se taisent, s’abstiennent de critiquer le régime et supportent en silence les exactions des chabbihas, dont la particularité avant les événements était de s’en prendre de préférence aux membres de leur propre communauté, ne risquent pas grand-chose. Mais ceux qui se rebellent contre l’accaparement du pouvoir et qui dénoncent la volonté du régime de mettre tous les alaouites de son côté, en cherchant à leur faire croire qu’ils sont menacés et qu’ils seront exterminés au cas où il serait amené à disparaître, sont victimes d’une double peine. Sanctionnés pour leur refus de se plier à l’ordre en place, ils le sont aussi pour leur "trahison" à l’égard de leur communauté.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Bachar Al Assad, on ne compte plus les membres de communautés minoritaires qui ont été jetés ou qui, déjà détenus du temps de son père, ont été remis en prison pour des séjours plus ou moins longs. D’une manière ou d’une autre, leur faute est unique. Elle est toujours la même : en réclamant la démocratie au régime, ils laissent clairement entendre, quand ils ne l’écrivent pas, qu’ils font davantage confiance à la démocratie qu’au régime pour assurer leur protection et celle de tous les autres citoyens Syriens. Aucun d’entre eux ne se bat au nom ou dans l’intérêt de la communauté à laquelle il appartient, mais au nom et dans l’intérêt de tous les Syriens qui considèrent que, aussi imparfaite soit-elle, la démocratie doit être préférée, en Syrie comme ailleurs, à n’importe quel système prétendant assurer, et garantissant de fait pour autant qu’il y trouve son intérêt, la "protection des minorités".

lundi 29 août 2011

Le gouvernement turc va restituer des biens saisis à des minorités religieuses


Source : La Croix

Dimanche 28 août, quelques heures avant le repas de l’iftar au cours duquel le premier ministre Recep Tayyip Erdogan devait rencontrer les représentants des minorités religieuses de Turquie, un décret visant à restituer des milliers de biens confisqués aux minorités après le recensement de 1936 a été publié.

« Comme tout le monde, nous connaissons les injustices que des groupes religieux ont eues à subir du fait de leur différence. L’époque où un citoyen pouvait être opprimé à cause de sa religion, son origine ethnique ou sa façon de vivre est révolue », a souligné le premier ministre.

Les premiers bénéficiaires de cette mesure seront les chrétiens grecs-orthodoxes et arméniens, ainsi que les juifs, les catholiques latins ne bénéficiant pas du statut de minorités reconnues par le gouvernement turc, selon les termes du Traité de Lausanne.

« Indemnisation juste »

Pour beaucoup, la publication de ce projet de loi résonne comme un changement de cap indéniable en Turquie, après des années d’opposition ultra-laïque face à toute reconnaissance des minorités. Il semble que le gouvernement envisage bel et bien d’infléchir sa politique vis-à-vis des communautés religieuses, notamment chrétiennes.

Et ce n’est sans doute pas un hasard si ce décret intervient après les demandes répétées du patriarche œcuménique Bartholomeos Ier de Constantinople pour le retour des biens injustement usurpés aux minorités. À plusieurs reprises, le patriarche avait porté cette cause auprès d’instances européennes.
Le décret prévoit notamment la restitution des biens tels qu’ils ont été enregistrés en 1936 avant d’être confisqués aux fondations religieuses, le retour de la gestion des cimetières appartenant à des fondations non-musulmanes, mais aussi la restitution d’églises et de monastères appartement à plusieurs communautés.

Dans le cas où ces propriétés ont été vendues ou cédées par l’État turc, le ministre des finances devra convenir d’une « indemnisation juste » avec les propriétaires. Les parties concernées sont invitées à soumettre leur dossier à la direction générale des fondations dans les douze prochains mois.

Demandes réitérées de l’Union européenne

Selon les premières estimations, le décret prévoit de restituer 1000 propriétés aux grecs-orthodoxes, 100 aux arméniens, ainsi que de nombreuses propriétés aux catholiques chaldéens et aux juifs.
Le décret a suscité des réactions positives parmi les représentants des minorités. Le directeur des fondations non-musulmanes y voit « une étape de grande importance et de portée historique ».

L’avocat des minorités, le Dr Kezmpan, la décrit pour sa part « comme une grande révolution ». Pour un autre avocat, le Dr Hatem, « le tort fait à l’Église est réparé ».

Ces dernières années, l’Union européenne n’a cessé de demander à la Turquie de prendre des mesures pour supprimer les lois discriminatoires contre les minorités religieuses. Moins de 1 % des 74 millions de Turcs appartiennent à ces minorités. Parmi eux, il y aurait entre 90 000 et 120 000 chrétiens et environ 25 000 juifs.

 François-Xavier Maigre (avec New York Times et AsiaNews)

jeudi 25 août 2011

Etats-Unis : réseau de trafic d'armes et drogues démantelé


Source : The Associated Press

Les autorités policières américaines auraient démantelé, jeudi dernier (18 août 2011), un réseau de trafic d'armes et de drogues auquel participaient des membres de la communauté irakienne de San Diego et un important cartel mexicain de narcotrafiquants.

Les policiers de la ville d'El Cajon, près de la frontière entre les deux pays, ont précisé que plus de 60 suspects qui seraient associés au Syndicat de crime organisé chaldéen ont été épinglés. Les trafiquants expédiaient depuis El Cajon des armes à des Irakiens de Détroit, où l'organisme a son quartier-général.

Les policiers fédéraux et ceux d'El Cajon ont ajouté avoir saisi huit kilos de métamphétamines, de narcotiques, de cocaïne et d'autres drogues ; plus de 1600 kilos de marijuana ; 630 000 dollars américains en espèces ; quatre mines artisanales et plus de 30 armes, dont des fusils d'assaut.

L'enquête a débuté en avril quand un agent américain d'infiltration s'est vu offrir une grenade par un immigrant, qui lui a promis pouvoir en obtenir d'autres d'une source militaire mexicaine.

Cette source serait en fait le cartel de narcotrafiquants de Sinaloa, le plus puissant du Mexique. Son chef, Joaquin «El Chapo» Guzman, est devenu immensément riche et compte parmi les hommes les plus recherchés de la planète depuis qu'il s'est évadé de prison il y a dix ans.

VIDEO. La Vierge qui pleure attire toujours des fidèles


Source : Le Parisien

En mars 2010, une icône de la Vierge Marie avait défrayé la chronique en versant des larmes d’huile. Aujourd’hui, elle ne pleure quasiment plus, mais les visiteurs continuent d’affluer.

Arnaud Baur | Publié le 15.08.2011, 07h00

Malgré l’Assomption, aucune visite n’est organisée aujourd’hui dans la maison de Garges-lès-Gonesse abritant l’icône de la Vierge Marie, qui a tant fait parler d’elle l’an dernier. Plus d’un an et demi après la passion déchaînée par les larmes qu’elle versait, ce qui avait attiré alors des centaines de pèlerins de nombreux pays, le petit pavillon de ces chrétiens orthodoxes d’origine turque accueille pourtant toujours les croyants.

« Cela n’a pas changé, indique Christine, une des filles de la famille. Le tableau représentant la Vierge est toujours placé au fond du couloir menant à la chambre de notre mère, à gauche. Le cadre en Plexiglas qui avait été posé à l’époque est encore en place. Mais le tableau est très abîmé à force de frotter dessus avec des morceaux de coton… »

Au mois de mars 2010, la nouvelle avait fait le tour du monde. Une icône de la Vierge pleure des larmes d’huile à l’intérieur d’une maison à Garges-lès-Gonesse. Miracle ou supercherie? Des centaines de croyants affluent. De l’ensemble de l’Ile-de-France, d’autres régions de France, d’Europe… Certains viennent même des Antilles, des Etats-Unis, d’Australie ou de Chine pour voir de leurs yeux, toucher, prier, se recueillir. Tous ou presque prennent en photo l’icône. Certains essuient le tableau à l’aide de petits bouts de coton afin d’emporter le « divin liquide ». Sur place, force est de constater qu’un liquide gras et jaunâtre coule légèrement sur le mur en dessous du tableau. Explications scientifiques, interprétations ésotériques, tout le monde y va de son commentaire. L’objet de dévotion, une icône en bois offerte par un patriarche grec de l’église orthodoxe Georges-Bizet à Paris (XVIe) fait en tout cas couler beaucoup de salive et d’encre.

VIDEO. Les incroyables larmes de l'icône
Visionnez la vidéo sur le site internet du Parisien en cliquant ici !

Les larmes s’étaient interrompues au bout de quelques semaines, aussi subitement qu’elles étaient apparues, mais cela n’empêche pas les fidèles ou curieux de continuer à venir frapper à la porte du pavillon. « Cette année, ça s’est tout de même calmé, souffle Christine. Mais on reçoit énormément de courrier. On essaye d’y répondre au maximum. Nous accueillons les gens un jour par semaine, généralement le mercredi. Désormais, ce sont souvent les mêmes personnes, une dizaine ou une vingtaine habitant la région, qui reviennent. »

Toujours sollicités, les propriétaires du pavillon ont interrompu les visites durant les vacances d’été afin d’avoir un peu de vie privée. « Il y a eu trois naissances dans la famille cette année, glisse Christine en guise d’explications. Toutefois, les visites reprendront en septembre. » D’autant qu’à en croire la famille le « miracle » s’est reproduit. « La toile suinte de temps en temps, notamment lors des fêtes religieuses. Cela a d’ailleurs été le cas à Pâques cette année », rapporte Christine.

Le Parisien

mercredi 24 août 2011

« Jeunes, n’émigrez pas », lance Mgr Warduni aux jeunes irakiens


Catéchèse du vicaire patriarcal chaldéen de Bagdad

ROME, Vendredi 19 août 2011 (ZENIT.org) – « Jeunes, n’émigrez pas, soyez enracinés dans le Christ. Notre terre a besoin de vous ! ». C’est ainsi que Mgr Shlemon Warduni, vicaire patriarcal chaldéen de Bagdad s’est adressé aux jeunes arabes chrétiens au cours de la seconde catéchèse des JMJ de Madrid.

Le prélat, cité par l’agence italienne SIR, a rappelé l’importance de « rester attachés au Christ pour porter du fruit pour nous, pour l’Eglise et pour nos pays. Ces fruits sont le témoignage, le pardon, la réconciliation et l’accueil. Le Christ est notre espérance », a-t-il affirmé.

« Notre présence ici à Madrid doit nous renforcer dans la foi et nous enraciner en Christ », a poursuivi l’évêque. « Ce n’est qu’ainsi que nous réussirons à trouver la force, le courage et la fermeté pour dépasser chaque obstacle ».

« Le Christ nous veut dans notre terre d’origine qui a besoin de nous. Nous ne nous cachons pas les difficultés qui sont nombreuses, mais nous sommes invités à faire comme les disciples du Christ qui après la descente de l’Esprit Saint n’ont plus eu peur et ont commencé à témoigner de l'Évangile ».

« Vous êtes les témoins de l'Église du Moyen-Orient – a enfin affirmé le prélat en parlant aux jeunes irakiens, égyptiens, syriens et libanais – qui compte sur vous pour continuer à avoir un avenir. Mais il est nécessaire d’être enracinés en Christ à travers la prière, les sacrements et le partage de vie comme nous le faisons actuellement à Madrid ».

Irak : La liberté de tuer !


Mgr Shlemon Warduni, évêque chaldéen de Bagdad
Photo AED

Source : Aide à l'Eglise en Détresse

En entrevue avec l’organisme de charité catholique l’Aide à l’Église en Détresse (AED), à Madrid lors des Journées Mondiales de la Jeunesse, Mgr Shlemon Warduni, évêque chaldéen de Bagdad, a dénoncé la situation des chrétiens en Irak.

Il faisait ainsi référence au regain de violence que ceux-ci ont subi lors des attaques ayant eu lieu à travers le pays, lundi dernier. En effet, plus de 65 personnes ont été tuées et 50 autres blessées dans au moins 17 attaques distinctes dans le pays, dont deux à Kut, une ville au Sud-Est de Bagdad.

Il a aussi critiqué la détérioration de la sécurité dans le pays depuis l’invasion de l’Irak en 2003. « Pourquoi sont-ils venus? Pour faire quoi? Pour nous donner la liberté, la liberté de nous tuer les uns les autres? » S’est-il demandé.

« Je suis avec vous jusqu’à la fin »

Puis, Mgr Warduni a déploré la diminution de la présence chrétienne dans le pays, en pensant à l’exode des fidèles à l’étranger à cause de la violence. Selon les estimations, le nombre de chrétiens en Irak ne dépasserait pas 200 000. « Il y a eu plus d’immigration ces quelques dernières années que dans les 300 précédentes. »

L’évêque de Bagdad a souligné sa détermination à rester dans le pays malgré la violence en disant : « Je suis un évêque, je suis un berger, je dois être là jusqu’à ce que le Seigneur m’appelle ailleurs.»

Ensuite, en parlant de la foi des communautés chrétiennes en Irak, il a dit : « Notre espoir est seulement dans le Seigneur. » Il a invité tout le monde à prier pour la paix et la sécurité et pour éclairer les gouvernements à faire le bien pour l’Irak et le Moyen-Orient.

L’évêque a de plus condamné les pays et les entreprises qui font le commerce des armes permettant ainsi aux malfaiteurs de commettre ces actes de violence.

Puis, il a parlé de la nécessité pour les chrétiens d’avoir confiance en Jésus dans les moments difficiles. « Pour nous, chrétiens, notre force est dans le Seigneur. » Puis ajoutant « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. » « N’ayez crainte. »

Enfin, Mgr Warduni a remercié l’AED pour son aide à l’Église en Irak : « Je remercie tout le monde de l’AED et je prie pour chacun d’eux.»

En guise de conclusion, il a imploré chacun de faire de son mieux pour que la paix et la sécurité reviennent « sans quoi nous ne pouvons vivre. »

mardi 16 août 2011

A Kirkuk, les chrétiens persécutés veulent promouvoir le dialogue interreligieux


Benoît S - LA VIE

Pendant 15 jours, les membres de l'association "Fraternité en Irak" partent à la rencontre des minorités religieuses au Kurdistan, pour témoigner de leur soutien et distrubuer des médicaments, avec l'appui de Mgr Sako, archevêque de Kirkuk. Au jour le jour, lavie.fr publie le récit de leur voyage et de leur action, au fil de leurs rencontres.

"Le plus beau pour moi depuis que je suis évêque à Kirkuk c’est d’aller à la rencontre des communautés musulmanes, pour initier un dialogue" nous explique Mgr Sako. Le 31 mai 2011, peu de temps après un attentat important et des enlèvements dont celui d’un chrétien qui a été retrouvé assassiné, tous les représentants musulmans de la ville se sont rassemblés dans la cathédrale à l’invitation de l'évêque.

L’objet de cette rencontre était de demander tous ensemble à la Vierge Marie de donner la paix à Kirkuk. Nous sommes très impressionnés par cette rencontre porteuse d’espérance pour les minorités religieuses du Proche-Orient. Au fil des discussions nous comprenons qu’il existe à Kirkuk de vrais échanges avec les représentants musulmans et même une relation d’amitié.

Pour Mgr Sako, il s’agit aussi d’inviter les musulmans à réfléchir sur le Coran, à "amorcer une exégèse, à dialoguer sur les fondements de notre foi respective […] Les chrétiens doivent découvrir la dimension missionnaire de leur présence dans les pays musulmans. Nous devons promouvoir le dialogue interreligieux sur la base des identités diverses, en établissant une relation fondée sur une compréhension mutuelle. Nous voulons croire en l’espérance, malgré les désillusions et de nombreuses difficultés".

Hier, l’évêque a remis à l’hôpital central de Kirkuk les 300 kg de médicaments que nous lui avons apportés. Il souhaite que ces médicaments soient mis à disposition de tout le monde, spécialement les personnes pauvres, sans distinction d’appartenance religieuse. Ce geste de partage à l’égard des autres communautés de Kirkuk, à la veille du Ramadan, est un beau symbole. Quelle joie immense pour nous de savoir que ces médicaments (antibiotiques, anti-hypertenseurs et traitements contre l’asthme) difficiles à financer, pourraient être donnés dans une perspective aussi belle : soigner et contribuer à approfondir l’amitié entre les communautés de Kirkuk. Et comment aurions-nous pu imaginer l’écho de cet événement : une vingtaine de chaines de télévision ont fait le déplacement…  Ce dialogue avec les représentants musulmans nous impressionne : peut-être y a-t-il là des leçons à tirer pour faciliter nos rapports avec l’islam en France notamment après les récentes polémiques ?

A Kirkuk nous avons aussi rencontré une représentante de la communauté des Mandéens - des disciples méconnus de Saint Jean-Baptiste. Persécutés eux aussi, ils se sont pour certains réfugiés à Kirkuk. L’avenir de cette communauté étonnante et mystérieuse se joue actuellement en Irak. Le rôle que les chrétiens du pays jouent pour les aider est émouvant : des persécutés aident d’autres persécutés, gratuitement. La générosité des uns envers les autres, dans un contexte encore complexe, et malgré les différences, est un exemple. Dans une ville comme Kirkuk, où les tensions restent palpables, ces initiatives ouvrent une voie salutaire pour l’avenir du dialogue interreligieux.

"L'exil n'est pas la solution"


Hubert Montfort - LA VIE

L'association "Fraternité en Irak" continue son périple au Kurdistan, à la rencontre des minorités religieuses. Avant de quitter Kirkuk, la capitale, le groupe a rendez-vous avec Chad, diacre à la cathédrale.

Il fait encore très chaud lorsque le soleil descend à l'horizon comme pour saluer notre dernière veillée nocturne à Kirkuk, l'une des plus anciennes cités du monde. La journée a été riche d'échanges et d'émotions. Nous avons rendez-vous avec Chad, diacre à la cathédrale.

L'hospitalité arabe n'est pas un mythe, elle l'est encore moins chez les Irakiens. Comme tout rituel multiséculaire, elle possède ses codes et ses passages initiatiques. Pour Chad, nous serons acceptés sous son toit à condition de rendre au préalable visite à ses parents, puis à ses beaux-parents. Une manière de mieux nous introduire dans sa famille et dans son quotidien. Avant d'y parvenir nous devons traverser en voiture les rues défoncées de Kirkuk, qui nous rappellent qu'il règne encore ici un vrai climat d'anarchie : les trottoirs sont poussiéreux et jonchés d'immondices, les voitures roulent à tombeau ouvert, quelques feux de poubelles illuminent la nuit. «Welcome in Irak» ! nous lance le diacre.

Après ces visites d’une ou deux heures, nous arrivons enfin dans le foyer familial de Chad, cellule confortable et tranquille où nous nous sentons en sécurité, mais aussi, d’une certaine manière, un peu en état de siège. Nous sommes alors accueillis par son épouse et deux petits visages poupons au sourire coquin : Manar (la lumière en arabe), neuf ans, fils aîné de notre hôte et sa petite sœur Maryam. Pendant que les parents s'affairent dans la cuisine, nous écoutons attentivement le garçon au piano : ses petits doigts habiles nous jouent l'hymne national irakien, tout un symbole pour ces gens déchirés entre leur attachement à cette terre natale et leurs rêves d’une vie plus sûre hors d’Irak.
Comme souvent depuis le début de notre voyage le dîner commence par les traditionnelles formules d’usage. Et cette fois, lorsque nous leur demandons comment nous pouvons leur rendre service en tant qu’Européens, les langues se délient. Chad et sa femme Maara acceptent de nous ouvrir leur cœur. Pour ce père, l’exil n’est pas la solution car quoi qu’il arrive un réfugié restera toujours un étranger aussi bien dans sa terre d’accueil que dans sa terre d’origine. « Cette terre est ma terre ! Personne n’oblige les oiseaux ou les animaux à quitter leurs maisons ! Alors pourquoi nous ? ».

Pour la mère de famille, en revanche, la fuite apparaît comme la seule manière d’échapper vraiment au danger, et de mettre à l’abri ses deux enfants. Pourquoi, nous dit-elle, chaque pays européen ne pourrait-il pas accueillir une petite partie des réfugiés chez lui ? Au sein de ce couple, le déchirement entre partir ou rester, illustre à lui seul, dans cette petite salle à manger de Kirkuk, toutes les difficultés qu’éprouvent les chrétiens d’Irak. Au sein du couple, c’est la communion qui a pris le pas sur le reste. Au hasard des regards, nous devinons que la complicité amoureuse s’est affermie au fil des difficultés. Alors que Maara se lève pour nous servir, Chad, la prenant par la taille, nous lance fièrement : « Regardez comme elle est belle ! ».

Les bouleversants témoignages des réfugiés de Sulaymania


Benoît S - LA VIE

Après plusieurs jours passés à Kiruk, capitale du Kurdistan, l'association "Fraternité en Irak" continue son périple à Sulaymania, où ils recueillent les témoignages de plusieurs familles de chrétiens persécutés.

En quittant Kirkuk nous réalisons combien nous nous y sommes attachés tant les rencontres que nous y avons faites ont été intenses. Sur la route de Sulaymania les check point se suivent à mesure que nous quittons le désert et que des montagnes lui succèdent. Accueillis pour le déjeuner par le curé, abouna Ayman, nous comprenons vite que nos rencontres seront très différentes de celle de Kirkuk, où les familles habitent encore leur ville d’origine. Abouna Ayman nous montre la grande salle paroissiale où il a accueilli plusieurs dizaines de réfugiés, après l'attentat du 31 octobre à la cathédrale de Bagdad.

Quelques heures après notre arrivée, nous rencontrons plusieurs familles. Nous précisons qui nous sommes, le but de notre venue. Un homme prend la parole, expliquant que chaque famille dans la salle a une histoire lourde à nous raconter. « Un matin, j'ai trouvé une lettre à mon nom. Nous étions menacés de mort. Ma famille et moi devions quitter Bagdad sous 48h. Nous avons dû tout abandonner. Je suis parti en Syrie tandis que ma femme et mes enfants étaient heureusement accueillis ici ».

Une femme au regard triste prend la parole à son tour. Le père Ayman se charge de la traduction. Elle est arrivée de Bagdad il y a une semaine. Suite à des menaces, sa famille a dû déménager une première fois au sein même de Bagdad et s'est installée dans le quartier de Dora. Appelé autrefois « le petit Vatican », cette zone est l'une de celles où les persécutions sont aujourd’hui les plus violentes. Une nuit, leur propriétaire vient les sommer de quitter l'appartement sur le champ. Ils refusent. Surgit un minibus dont les occupants les menacent de mort. La gorge de la femme se noue à mesure qu'elle raconte son histoire. Elle ne peut retenir ses larmes au moment où elle évoque les « accidents » dont ses fils ont été victimes. L'un a eu l'audition endommagée suite à l'explosion d'une voiture piégée sur le chemin de son école, l'autre a eu le tympan arraché par le souffle de la bombe qui a ravagé le magasin dans lequel il travaillait.

Walid arrive lui aussi de Bagdad. Il avait déjà fui Mossoul où sa femme était contrainte de porter le hijab et où plusieurs de ses voisins ont été kidnappés. « En rentrant chez nous, nous craignions systématiquement d'être attendus par des terroristes, j'étais en permanence inquiet pour ma femme et ma fille, c'est pourquoi nous avons fui à Bagdad. Le lendemain de l'attentat contre la cathédrale du Perpétuel Secours, une personne est venue à moto devant chez nous en nous désignant comme des chrétiens... Mon père a subi la même menace un peu plus loin. Nous sommes partis. Ma famille et moi avons été très bien accueillis ici à Sulaymania ».

Ces témoignages nous émeuvent autant qu’ils nous pétrifient. Nous sommes, malgré la terrible souffrance exprimée, heureux de voir que ces gens très éprouvés ne sont pas abandonnés. Les derniers témoignages insistent sur l'accueil que la population leur a réservé, sur les aides reçues du gouvernement, sur la grande fraternité qui unit tous les chrétiens de la ville.

Cris de joie dans les montagnes du Kurdistan


Raphaëlle Autric - LA VIE

Les membres de l'association Fraternité en Irak, partis à la rencontre des chrétiens persécutés du Kurdistan, poursuivent leur périple à Enshkey, un petit village montagnard où ils ont assisté à la cérémonie de communion de 20 jeunes Irakiens.

Nous quittons la plaine pour les montagnes du Kurdistan. Un vent de sable fait ployer les arbres. La nature devient plus verte, nous perdons quelques degrés. A flanc de colline, nous retrouvons Mgr Rabban, évêque chaldéen, dans le petit village de Komani, à majorité chrétienne. Dans la cour de l’évêché, plusieurs enfants sont assis en rond et récitent quelque chose en araméen, sous le regard attentif d’une jeune catéchiste. Ici, les chrétiens parlent encore la langue de Jésus. Demain est un jour important pour eux puisque une vingtaine d’enfants feront leur première communion dans l’église du village d’Enshkey, à quelques kilomètres de là.

Le lendemain, nous arrivons juste à l’heure. Les communiants sont vêtus de blanc, garçon d’un côté, filles de l’autre, l’évêque derrière. Devant, un enfant de cœur aux yeux noirs porte une grande croix. Ils attendent de rentrer dans l’église. Cette dernière est minuscule. Les autres enfants, nombreux, sont placés à l’extérieur sur des petits bancs. Le curé de la paroisse nous dira à la sortie qu’il a demandé aux familles de ne pas venir au complet, faute de place. A l’intérieur, la climatisation refroidit l’air tant bien que mal et les ventilateurs ronronnent. Le piano électrique est lancé, les enfants entrent cérémonieusement et se placent dans le chœur, chantant à plein poumon des refrains qu’ils connaissent sur le bout des doigts. Les petites filles portent des voiles bordés d’un liseré rouge. L’évêque célèbre la messe, assisté par le curé du village, le père Samir Yousif. Au moment de la communion, un homme passe dans les rangs pour distribuer des mantilles en dentelles blanches aux femmes qui n’ont pas la tête couverte.

Nous voici désormais incognito parmi les fidèles. La cérémonie est émouvante. A ma gauche une vieille femme pleure. Sans doute son petit-fils ou sa petite-fille fait partie des enfants de blanc vêtus. Sans doute est-elle émue de voir se transmettre de génération en génération la foi de ses ancêtres. Ainsi depuis 2000 ans chez ce peuple assyrien. Les enfants s’approchent de l’autel l’un après l’autre, entourés de leurs parents, et communient pour la première fois. La messe touche à sa fin. Les youyous des femmes éclatent comme autant de cris de joie saisissants. Avant de sortir de la petite église, les jeunes viennent entourer leur évêque pour une photo de groupe. Les petits regards bleus se figent pour toujours.

Dehors ont été dressées plusieurs tables. Sous la chaleur, les chocolats fondent à vue d’œil. Nous sommes embrassés autant que les petits enfants. Les gens sont curieux de nous, nous proposent à boire, nous posent des questions. La fête dure jusqu’au soir. Nous voici chez une famille qui a réuni pour l’occasion voisins et amis. La petite communiante, toujours en habit blanc, trône dans un large fauteuil, au centre des invités. Les hommes préparent la viande. Les femmes nous font entrer dans leur danse, les enfants gesticulent au milieu. Ce soir, sous les étoiles d’Enshkey, nous ne voyons que les sourires de nos hôtes. Ce soir, la joie et les rires prennent toute la place.

Emigration ou repli communautaire?


Hubert Montfort - LA VIE

Les membres de l'association Fraternité en Irak, dont nous publions le carnet de bord au jour le jour, poursuivent leur périple dans les villages montagnards du Kurdistan, à la rencontre des familles chrétiennes réfugiées.

Après la belle célébration de première communion à Enshkey, nous marchons à la suite d’Abouna Samir, jeune prêtre chaldéen en charge de cinq villages montagnards aux alentours. Ordonné à Mossoul, cet italianophone a dû quitter la ville en raison des persécutions. Il nous présente sa mère, ses sœurs et ses frères qui se sont installés définitivement dans leur résidence secondaire d’Enshkey. Face à l’insécurité et aux attentats, ils ont été dans l’obligation de vendre leur maison de Mossoul pour un prix trois fois inférieur au prix normal.

Nous comprenons que les minorités religieuses de la deuxième ville d’Irak vivent l’enfer au quotidien : les gangs et les groupuscules djihadistes y font régner leur loi, les quelque centaines de familles chrétiennes restantes doivent s’acquitter d’impôts auprès des différentes factions pour acheter leur tranquillité ou plutôt leur survie.

Au cours de cette entrevue, nous faisons également la connaissance de Youssef, 23 ans, le jeune cousin du père Samir, qui a fait des études pour être professeur d'anglais. Contrairement à de nombreux jeunes de son âge, Youssef ne veut pas quitter son pays : il est indispensable pour lui de rester auprès de sa famille.  Il vit donc à plein temps à Enshkey. Certes on s’ennuie un peu dans le village, alors il envisage d’aller enseigner à Dohuk, la grande ville kurde de la région, où à l’initiative de l’évêque chaldéen, Mgr Rabban, un lycée international a vu le jour. Celui-ci accueille gratuitement tous les élèves : chrétiens, musulmans, Turkmènes, Kurdes, filles et garçons, et tous les cours sont dispensés en anglais. Pour autant, le jeune homme comprend les aspirations au départ de certains chrétiens, il a d’ailleurs un grand frère qui est parti en Allemagne. La première raison, c’est "qu’ils n’en peuvent plus de souffrir. Quand vous avez changé trois ou quatre fois de maison, quitté Mossoul pour Bagdad, puis Bagdad pour le Kurdistan, à cause des terroristes, alors vous n’avez plus qu’un seul désir : quitter le pays pour toujours".

Par ailleurs les chrétiens arabophones du sud de l’Irak, de Mossoul et de Bagdad ne parlent pas kurde, ce qui est un sérieux handicap pour leur intégration. "Souvent, nous dit Youssef, les commerçants kurdes peuvent arnaquer les arabophones. Il est plus difficile aussi de trouver un travail". Logiquement ces réfugiés se sentent étrangers au Kurdistan.

Quitte à être des étrangers, certains préfèrent l’être en dehors d’Irak. Dans son village, Youssef se sent en sécurité, même si la vie n’a pas toujours été idyllique : avant 2003, Saddam Hussein avait confisqué des terres pour faire construire son palais sur la plus haute colline de la commune. Youssef ne se souvient pas de ce temps là. Il sait juste que Saddam l’a pris dans ses bras quand il n’avait que six mois. Au cours des années 1980 et 1990, les expéditions punitives du régime ont fortement éprouvé les populations civiles, au point qu’on parle de génocide.

Les Kurdes, qui ont acquis une certaine autonomie depuis l’intervention américaine, sont certes tolérants avec les chrétiens qu’ils savent pacifistes, mais continuent à cultiver une certaine méfiance. Pour les chrétiens du Kurdistan la marge de manœuvre est donc ténue entre le repli communautaire et l’émigration. Mais Youssef veut rester optimiste : le maintien des chrétiens en Irak, du moins au Kurdistan, là où ils sont en sécurité aujourd’hui, ne peut se faire sans deux piliers : la santé et l’éducation, car « sans cela les jeunes et les familles vont partir ».

A la découverte du père Gabriel, l’ange de Ninive


Hubert Veauvy & Hubert Montfort - LA VIE

Après la rencontre avec les familles chrétiennes des villages montagnards du Kurdistan, le pépiple de l'association Fraternité en Irak se poursuit au monastère Saint Marie d'Al-Quosh, près de Mossoul.

Al-Quosh : nous arrivons dans ce petit village chrétien au milieu d’une immense plaine jaunie par le soleil, non loin des rives du Tigre. Parfait pour les amoureux de vieilles pierres, le monastère Sainte Marie d’Al-Quosh, à une courte distance de Mossoul, est l’un des grands centres spirituels chaldéens. Vigiles armés de kalachnikov autour de ce fort Alamo à la sauce moyen-orientale, cour intérieure, murs ocres et vieilles portes de garde en bois : ce monastère ressemble plus à une hacienda mexicaine du 19e siècle qu’à une abbaye occidentale.

Au dessus de nous, à 2 km, juché sur une barre rocheuse, fondé au 7e siècle après JC, le sanctuaire de Saint Hormizd veille sur la plaine de Ninive. C’est l’un des premiers lieux de présence chrétienne en Orient. Il a résisté à toutes les invasions, des Mongols aux Ottomans, en passant par les Arabes. Aujourd’hui les moines sont redescendus dans la plaine, y trouvant plus d’espace et de tranquillité.
Pour autant, le nouveau couvent reste cette forteresse de savoir et de foi, garante des traditions de l’Eglise orientale. C’est dans ce lieu hors du temps que nous vivons, l’espace de deux jours, une sorte de retraite reposante au milieu de notre voyage.

Silhouette allongée, cigarette au bec, lunettes carrées, portable vissé à l’oreille et humour ravageur, voici le Père Gabriel à la tête de cette abbaye de huit moines. Cet abbé hors du commun est un équilibre subtil entre l’amateur de belles antiquités – italiophone ayant vécu 10 ans à Rome, il nous dévoile quantité de pierres sculptées, icônes et vieilles armes – et le prieur d’un courage et d’une foi à toute épreuve. Tout le monde le connaît et l’apprécie dans la région, y compris les Yazidis, adeptes d’une religion mystérieuse, que nous sommes allés rencontrer un soir.

Sous sa houlette bienveillante, nous sommes donc allés rendre visite à plusieurs familles des alentours, le tout à une cadence rapide : le padre Gabriel est plutôt du genre pressé et ne s’attarde jamais longtemps au même endroit. Au bout d’une vingtaine de minutes d’entretien, nous avons en général le plaisir d’entendre un sonore et catégorique "andiamo" : c’est le signal pour nous de remonter à bord du pick-up du monastère pour aller à la découverte d’autres amis. Car il connaît tout le monde !

C’est avec lui également que nous découvrons une tradition bien ancrée chez ces prêtres aux nerfs solides, habitués à l’humour grinçant : les blagues ecclésiastiques. Il nourrit une affection particulière pour les évangéliques américains… A ceux d’entre eux qui tentent de rallier les chaldéens, héritiers d’une foi bimillénaire, à leurs Eglises, il conseille plutôt d’aller jouer les cow-boys en Amérique du sud ou d’annoncer le Christ aux musulmans… "Evangéliser un chaldéen, c’est comme apprendre à un Italien à peindre ou apprendre à un Français à jouer du piano...".

Qaraqosh, première ville chrétienne d'Irak


Hubert Montfort - LA VIE

Après une dizaines de jours passés au Kurdistan, à rencontrer les chrétiens et autres minorités religieuses persécutées, l'assocation "Fraternité en Irak" termine son périple à Qaraqosh, près de Mossoul. Une ville de 50 000 habitants, composé de 99% chrétiens.

"Ici nous sommes comme dans un grand four, la température monte, monte autour de nous jusqu’à ce que nous soyons tous brûlés", grommelle Boutros dans un français mal assuré. L’image est cruelle mais bien choisie par ce pizzaiolo du centre-ville de Qaraqosh, un bourg de 50 000 habitants dans la banlieue de Mossoul, composé de 99% de chrétiens. Quand on sait qu’il en reste aujourd’hui un peu moins de 500 000 dans tout l’Irak, on est saisi d’un vertige : cette ville où nous allons passer la fin de notre voyage concentre plus d’un dixième de tous les chrétiens du pays !

Mossoul, toute proche, deuxième ville de l’Irak, fief des extrémistes, est aussi la plus dangereuse : on entend souvent dire qu’un étranger y est repéré en moins de deux heures. Pour les minorités religieuses, la vie y est devenue impossible, il ne resterait plus que 2000 familles chrétiennes, les plus pauvres, celles qui n’ont nulle part où aller.

Il y a quelques jours dans le village de Komani, Georges, un chrétien d'une soixantaine d'années, nous racontait comment il s'était fait accueillir dans une une boulangerie de Mossoul : le boulanger a refusé de le servir, l’a traité de "mécréant" puis a pris un crucifix et s’est mis à cracher dessus. "Je lui ai cassé la figure, nous a dit Georges, ne pouvant supporter, et quelques jours plus tard j’ai quitté la ville". Des anecdotes comme celle-ci, avec leur violence, émaillent notre périple.

Mais pour l’heure nous quittons Boutros, ses pizzas et sa jeune clientèle pour aller boire le thé chez une famille non loin de là. Pas moins de 13 personnes habitent la maison : les grands-parents, leurs enfants et leurs petits-enfants. Fadi et Maryam, la soixantaine avancée, ont eu quatre filles et quatre garçons : trois sont médecins, deux autres ingénieurs, l’une est photographe ; deux des filles et deux des garçons vivent à l’étranger, aux Etats-Unis ou en Suède. Tous sont mariés et trois petits enfants sont déjà nés. Dans le salon on aperçoit des photos de famille : chaque enfant immortalisé lors de sa remise de diplôme, portant la toge et la toque comme dans les universités américaines.

Cette famille est en quelque sorte le stéréotype de l’empreinte chrétienne en Irak : une population très éduquée et une forte propension à l’émigration. Les chrétiens ont toujours été sur-représentés dans les professions intellectuelles : ainsi avant 2003, près de 30% des médecins en Irak étaient chrétiens alors qu’ils n’étaient que 5% de la population. D’après certains témoignages, il n’y aurait plus aucun médecin chrétien en exercice dans un hôpital public à Bagdad, par crainte du terrorisme.

Par chance, la famille chez qui nous sommes n’a pas vécu ce genre de drame. Ce n’est pas le cas d’une de leurs amies proches, qui est venue ce soir avec sa fille : son père a été décapité à Mossoul il y a trois ans. Devant cette douleur, nous ne pouvons pas grand chose, si ce n’est pleurer avec cette femme et la serrer dans nos bras. Nous essayons d’oublier cette tristesse en chantant dans ce salon presque trop étroit pour nous tous.

Après quelques prières en arabe, en araméen et en français, un père dominicain irakien entonne "Alouette je te plumerai", qui est aussitôt repris à l’unisson : voilà bien des années que nous n’avions pas entendu ce chant même en France ! La visite s’achève et en guise de remerciement une fillette de sept ans fredonne seule une belle chanson en syriaque : nous n’en comprendrons pas le sens si ce n’est quelques mots traduits par sa mère : "Jésus est dans le ciel, Jésus est mon sauveur".

"Une bombe a explosé à côté de mon bus"


Anne-Claire Tranchant - LA VIE

L'association Fraternité en Irak poursuit son voyage à la rencontre des chrétiens persécutés en Irak. Aujourd'hui ils s'arrêtent sur les épaves de sept bus, près de Mossoul. Tristes vestiges d'un attentat survenu le 2 mai 2010, qui a fait 2 morts et 180 blessés. Un jeune étudiant raconte.

Derrière un petit muret, des épaves de sept bus. Les vitres ont explosé, les intérieurs sont ravagés. Des traces de sang, noircies par le temps, sont encore visibles sur certains sièges. Des affaires d’étudiants traînent au sol. Ces bus transportaient quotidiennement, en convoi, 1050 étudiants entre Qaraqosh et l’université de Mossoul. Mgr Petros Moshe, évêque syriaque, nous présente à un jeune qui voyageait dans un de ces bus le dimanche 2 mai 2010. Nous écoutons, devant les débris, le récit de l’attentat dont lui et ses amis ont été victimes.

Après une tentative d’attentat sur le campus de Mossoul, le gouvernement avait attribué à ces bus une escorte de trois véhicules. Mais ce jour-là, elle s’est avérée inutile. Deux bombes ont explosé, ainsi qu’une voiture piégée. Sept bus ont été touchés. Les vitres ont volé, les carrosseries transpercées. D’un coup, l’enfer s’est déchaîné. Notre ami nous montre où il se trouvait, et où se trouvaient sa sœur et ses amis. Il a sorti sa sœur du bus. Tellement blessée qu’il l’a cru morte. Tellement défigurée que, par la suite, ses parents ne l’ont pas reconnue. Son visage renferme, aujourd’hui encore, un bout de verre qu’on n’a pu lui enlever, stigmate d’une violence insensée.

Les étudiants se sont extirpés des bus pour éviter une nouvelle explosion, ont coupé leurs vêtements pour des pansements d’urgence, et chacun a fait ce qu’il a pu pour venir en aide à ceux qui l’entouraient… Certains musulmans se sont arrêtés pour charger les blessés afin de les emmener à l’hôpital. Les secours ont beaucoup tardé. On nous parle, en diverses circonstances, de policiers qui se seraient réjouis ou auraient empêché des passants de prendre soin des blessés.

Notre ami nous raconte comment, par la suite, Farah dont la jambe a été coupée n’a pas pu obtenir de prothèse. Il nous explique que de nombreuses jeunes filles ont été défigurées et n’ont pas eu accès à une chirurgie esthétique. Abouna Nageeb, supérieur des Dominicains nous avait déjà parlé de cette jeune fille - parmi les plus jolies de la ville, nous dit notre ami - qui continue fièrement à aller à l’université de Mossoul malgré ses cicatrices. Elle a eu 156 points de suture au visage. Parce que la vie vaut d’être vécue, parce qu’elle veut réussir ses études envers et contre tout ! Le savoir et la pensée comme revanche contre la violence aveugle.

Malgré la puissance des explosions, cet attentat n’a fait que deux morts (mais 180 blessés) : Sandy, une étudiante, et Radyf, un jeune ouvrier qui passait par là, et qui a vu la première bombe. Il a arrêté la suite du convoi et perdu la vie dans l’explosion suivante : sa vie en a sauvé des dizaines.

Nous avons la gorge serrée devant ce jeune homme qui garde un sourire serein et un peu triste en nous racontant le déchaînement de souffrances auquel il a dû faire face. Malgré le choc, il nous explique qu’il continue à se rendre à Mossoul pour finir ses études. Avec pudeur il évoque les traumatismes psychologiques des blessés et de tous les autres présents ce jour-là.

Désormais, il n’y a plus de bus ; les étudiants prennent la voiture. Il nous dit qu’il prie tout le long du trajet. Lorsque nous lui demandons s’il est en colère, il reconnaît que oui. Mais il ne veut pas se laisser guider par la haine. « Regardez mon répertoire téléphonique : j’ai énormément d’amis musulmans ! »
Et de nous raconter que, lors de l’attentat, les musulmans d’un village voisin auraient vu la Vierge apparaître. Elle prenait les étudiants dans ses bras. Une seule en est tombée : Sandy. Ces gens ont tenu à venir voir l’évêque pour le lui raconter, et depuis, on parle du « jour de Marie » pour ce bloody sunday. On trouve, ici aussi, des artisans de paix.

Crainte d’une nouvelle vague d’exil


Mgr Louis Sako, archevêque de Kirkouk, refuse de baisser les bras après le nouvel attentat qui a frappé une église catholique syriaque, le 2 août, à Kirkouk. "Nous continuerons à témoigner pour Jésus-Christ et pour nos valeurs chrétiennes, nous n’avons pas peur", a-t-il déclaré.

Après l’attentat à la voiture piégée devant l’église de la Sainte Famille, à Kirkouk, à 250 km au nord de Bagdad, les autorités chrétiennes de la ville craignent une nouvelle vague d’exil, a rapporté l’ONG Portes Ouvertes, au service des chrétiens persécutés.

"Nous essayons de donner de l’espoir. Nous avons demandé au maire-gouverneur d’aider les familles qui ont perdu leur maison et leur voiture, avant de penser à restaurer l’église", a déclaré archevêque de Kirkouk.

Plus de la moitié des chrétiens en exil

L’attentat a eu lieu le deuxième jour du ramadan et a fait au moins 13 blessés. La police a aussi trouvé et désamorcé deux autres voitures contenant des explosifs devant l’Eglise assyrienne de Mar Gourgis et une église protestante située dans le voisinage.

La ville compte environ 10’000 chrétiens. Selon les estimations, plus de 50% de la communauté chrétienne d’Irak a fui le pays depuis 2003.

Source : APIC

Babylone


L'histoire de Babylone est traditionnellement divisée en trois phases. La période dite paléo-babylonienne couvre trois siècles, de 1894 à 1595 avant J.-C. ; elle fut dominée par la figure de Hammurabi. L'époque médio-babylonienne commença par plusieurs siècles de domination kassite et s'acheva avec les invasions araméennes. C'est enfin dans le courant du Xe siècle que débuta la troisième phase, dite néo-babylonienne. Elle vit d'abord une longue confrontation avec les Assyriens, avant de connaître son apogée sous Nabuchodonosor. En 539 avant J.-C., les Perses s'emparèrent de la Babylonie, qui perdit définitivement son indépendance politique. Dominique Charpin retrace pour nous son histoire, des origines à la domination perse.

Des origines modestes

Attestée dès l'époque d'Akkad (2340-2200 avant J.-C. environ), Babylone avait été le siège d'un gouvernorat sous l'empire néo-sumérien d'Ur. La disparition de celui-ci en 2004 avant J.-C. permit à des dynasties d'origine amorrite de s'emparer du pouvoir dans la plaine mésopotamienne. On ignore tout du sort de Babylone durant le XXe siècle, qui vit s'affronter les dynasties d'Isin et de Larsa. Aux alentours de 1900, toute une série de villes de Babylonie du nord devinrent à leur tour des centres de pouvoir autonomes. Babylone fut le siège d'une de ces dynasties : Sûmû-abum (1894-1881) s'y déclara roi, mais il n'eut, semble-t-il, pas de descendance et le pouvoir passa alors à Sûmû-la-El (1880-1845). C'est ce dernier qui fut considéré par les rois de Babylone postérieurs comme l'ancêtre de leur lignée. Sous son règne, tous les petits royaumes environnants furent progressivement absorbés par Babylone. Dès lors, les principales villes du royaume de Babylone, outre la capitale, furent Sippar au nord, Kish à l'est, Borsippa, Dilbat et Marad au sud. Sûmû-la-El conclut une alliance avec le roi d'Uruk Sîn-kâshid à qui il donna sa fille Shallurtum en mariage.

Son fils Sabium (1844-1831) affronta les troupes de Larsa, sur lesquelles il prétend avoir remporté une victoire. Apil-Sîn (1830-1813) repoussa les frontières du royaume de Babylone jusqu'au Tigre. Sîn-muballit (1812-1793) agrandit au contraire son territoire vers le sud ; il réussit même à conquérir les villes d'Isin et de Nippur, dont le roi de Larsa Rîm-Sîn reprit toutefois rapidement possession.

Un empire paléo-babylonien éphémère

Les règnes de Hammurabi (1792-1750) et de son fils Samsu-iluna (1749-1712) marquèrent l'apogée de la première dynastie de Babylone.

Le premier tiers du règne de Hammurabi, mal connu, est marqué par des exploits sans lendemains. En 1776 mourut Samsî-Addu : le vaste royaume que ce dernier avait créé en Haute Mésopotamie fut démembré, mais Babylone n'en profita pas immédiatement. Dans un premier temps, c'est en effet le roi d'Eshnunna, Ibâl-pî-El II, qui tenta de reconstituer à son profit le royaume de Haute Mésopotamie. Lorsqu'Ibâl-pî-El s'en prit au royaume de Mari, Hammurabi se rangea du côté de son roi, Zimrî-Lîm. Une paix de compromis fut conclue en 1770 ; Zimrî-Lîm récupéra la région du Suhûm. Un problème surgit alors avec Hammurabi concernant la délimitation de la frontière sur l'Euphrate entre les royaumes de Mari et de Babylone ; les négociations achoppèrent sur le statut de Hît. Cinq ans plus tard, l'empereur d'Elam attaqua Eshnunna : Hammurabi, tout comme Zimrî-Lîm, apporta son aide aux attaquants venus d'Iran. Mal leur en prit, car l'Élamite, sitôt Eshnunna conquise, exigea une soumission inconditionnelle. Hammurabi prit alors la tête d'une alliance anti-élamite qui finit par triompher : ce fut sa première grande victoire (an 29, soit 1764 avant J.-C.). Dès lors, les succès s'enchaînèrent. Ce fut d'abord l'annexion du royaume de Larsa (an 30, soit 1763 avant J.C.) qui augmenta considérablement sa puissance et sa richesse. Hammurabi étendit ensuite son influence sur la région du Djebel Sindjar. L'année suivante (an 31, soit 1762), Silli-Sîn d'Eshnunna ayant pris les armes contre Babylone, fut vaincu. Puis vint le tour de Mari, que Hammurabi épargna dans un premier temps (an 33, soit 1760) puis finit par détruire totalement après l'avoir vidée de ses richesses (an 34, soit 1758). Heureusement pour les historiens, les archives furent pour l'essentiel laissées sur place, ensevelies dans les ruines du palais. Hammurabi étendit ensuite sa domination vers le nord, dans les régions riveraines du Tigre. Les événements de la fin de son règne sont moins connus, la source essentielle que constituent les archives de Mari étant tarie. À sa mort, Hammurabi légua à son fils Samsu-iluna un véritable empire, qui ne devait lui survivre qu'une douzaine d'années.

Hammurabi ne fut pas seulement un conquérant. Ce fut aussi un habile diplomate, comme le montrent de nombreux comptes rendus des audiences qu'il tenait dans son palais de Babylone, rédigés par des ambassadeurs mariotes pour leur souverain Zimrî-Lîm. Ses talents d'administrateur sont visibles dans sa correspondance, quelques centaines de lettres, adressées en particulier à plusieurs responsables de l'ancien royaume de Larsa, comme Sîn-iddinam ou l'intendant du domaine royal, Shamash-hâzir. Ses grands travaux ne peuvent plus guère se juger que d'après ses inscriptions commémoratives et ses noms d'années, qui célèbrent également les ex-votos qu'il voua à de nombreuses divinités. Mais c'est bien entendu son activité législative qui a le plus contribué à perpétuer son nom, dans l'antiquité comme de nos jours ; son « Code de lois » se voulait d'ailleurs aussi un mémorial.

Samsu-iluna occupa le trône de Babylone trente-neuf ans, de 1749 à 1712 avant J.-C. Dès l'an 8 éclata une triple crise : économique, politique et militaire. La situation économique se dégrada si rapidement que le roi fut obligé, huit ans après sa première remise de dettes – mîsharum – d'en proclamer une seconde. On constate d'autre part la volonté d'indépendance des cités du sud, mal résignées à la domination babylonienne malgré l'habileté dont Hammurabi avait fait preuve. Le mieux connu des « vingt-six rois rebelles » que Samsu-iluna dut alors affronter, est le souverain de Larsa Rîm-Sîn II. Pour Samsu-iluna, la situation se compliqua encore davantage avec une invasion, celle des Kassites, sur lesquels il remporta une victoire. La reprise en main de la situation par Samsu-iluna, qui eut lieu dans le courant de sa dixième année, fut de courte durée. Dès la fin de l'an 11, la documentation écrite à Ur, Uruk et Larsa s'interrompt, et ce pour plusieurs siècles. On a pu repérer des indices archéologiques montrant que ces sites ont été abandonnés pendant une longue période. Que devinrent les habitants de ces villes ? Il semble qu'un exil massif vers le nord se produisit alors. On a en particulier de nombreuses traces de la présence d'habitants d'Uruk réfugiés à Kish, et de leurs descendants, à la fin de la première dynastie.

Une deuxième période dans le règne de Samsu-iluna s'ouvrit en l'an 12. Après avoir vaincu le roi d'Eshnunna et imposé son autorité dans la vallée de la Diyala, Samsu-iluna s'aventura en 1728 jusqu'au cœur du « triangle du Habur ». Il y mit fin au royaume d'Apum. La destruction de sa capitale, Shubat-Enlil/Shehnâ, est pour nous providentielle, car dans les décombres du palais de la ville basse de Tell Leilan, partiellement fouillé en 1985 et 1987, on a découvert une fraction des archives des rois locaux datant des décennies précédentes. Samsu-iluna tenta ensuite de rééquilibrer son royaume en direction du Moyen Euphrate. Il construisit une petite ville fortifiée à Harrâdum, qui a été découverte par une équipe française à Khirbet ed-Diniye ; il s'agissait d'un point fortifié avant sa campagne contre Terqa, qui eut lieu en l'an 27. Le fils du roi local fut installé sur le trône, sous tutelle babylonienne.

L'année 30 de Samsu-iluna fut marquée par une nouvelle amputation territoriale. Ce qui restait du sud sumérien fut perdu, dans des conditions encore obscures. Comme dix-huit ans plus tôt à Ur, Larsa ou Uruk, la documentation écrite s'interrompt à Isin et à Nippur pour plusieurs siècles. Les dernières années du règne sont très mal connues.

Samsu-iluna s'est donc révélé incapable de conserver tel quel l'empire créé par son père. En deux étapes, en l'an 12 puis en l'an 30 de son règne, le sud de la Babylonie échappa pour des siècles à la domination babylonienne.

La fin de la première dynastie de Babylone

Les quatre derniers rois de la première dynastie régnèrent pendant plus d'un siècle, généralement désigné comme période paléo-babylonienne tardive. Il ne semble pas y avoir eu de difficultés de succession, et les règnes de ces souverains ont été longs, ce qui est souvent considéré comme un gage de stabilité. Toutefois, les signes d'un déclin politique sont évidents. La raréfaction des inscriptions commémoratives n'est pas due au hasard des fouilles, étant donné l'abondance des sources d'archives pour la même période : plus de 1700 textes juridiques et administratifs publiés, sans compter des centaines de lettres. On ne peut manquer en outre d'être frappé par une inflexion dans la thématique des formules de « noms d'années » : la commémoration des événements militaires est réduite à la portion congrue, de sorte qu'il est impossible d'écrire une histoire politique un tant soit peu continue. La raréfaction des sources officielles ne doit cependant pas nous conduire à une vision misérabiliste de la première dynastie de Babylone sous ses quatre derniers souverains. Il apparaît que plusieurs tentatives de reconquête furent menées, dans trois directions principales : vers le sud, le long de la Diyala et enfin vers le Moyen Euphrate, où l'autorité d'Ammi-zaduqa et Samsu-ditana fut reconnue jusqu'à Terqa, comme l'ont montré les textes récemment découverts à Tell Ashara.

Même si le temps n'est plus où les invasions servaient systématiquement aux historiens à expliquer les changements dans l'histoire de la Mésopotamie, force est de constater que la fin de la première dynastie est étroitement liée à des mouvements de population, notamment des Kassites, des Hourrites et des Hittites. D'après une chronique babylonienne récente, sous Samsu-ditana, les armées hittites de Mursili envahirent la Babylonie en 1595.

La période médio-babylonienne

C'est ensuite une dynastie d'origine kassite qui prit le pouvoir pour plus de quatre siècles (1595-1155 avant J.-C.).

La Babylonie passa ensuite pour plus d'un siècle sous le contrôle de la deuxième dynastie d'Isin (1158-1027). Le plus brillant de ses souverains fut Nabuchodonosor Ier. Il remporta une victoire décisive sur l'Elam. Cela permit le retour à Babylone de la statue de son dieu principal, Marduk, qui avait été emportée en exil. C'est alors qu'aurait été rédigé le texte fameux de l'Enuma elish, improprement désigné sous le titre – moderne – de « Poème babylonien de la création », alors qu'il s'agit d'un hymne à la gloire de Marduk, dont les autres dieux acceptent de reconnaître la suprématie.

À partir du XIe siècle, la Babylonie fut la proie des invasions araméennes. Les sources écrites se tarissent pendant plusieurs siècles : on possède moins de deux cents documents pour la période qui va de 1158 à 722 avant J.-C. !

La confrontation avec les Assyriens

La Babylonie connut une sorte de « renaissance » sous le règne de Nabu-apla-iddina (888-855). Le pays fut débarrassé des bandes de nomades qui le pillaient. Les cultes furent rétablis dans les grands sanctuaires de Babylone, Borsipa, Sippar et Uruk. Enfin, une certaine renaissance littéraire et scientifique se produisit, dont témoigne par exemple le magnifique « Poème d'Erra » qui fut alors composé. Lorsque Marduk-zakir-shumi monta sur le trône en 854, il dut faire appel aux Assyriens pour venir à bout de son frère qui s'était révolté. Salmanazar III, après avoir vaincu le rebelle en 850, fit ses dévotions dans les temples de Kutha, Babylone et Borsipa, signe de son respect pour ces villes saintes. Il mena aussi une campagne contre les populations chaldéennes du sud, qui tenaient les routes commerciales : il revint en Assyrie chargé d'un lourd butin.

L'affaiblissement du pouvoir royal en Assyrie de 823 à 745, donna un peu de répit aux Babyloniens. Mais la transformation de l'Assyrie en empire, opérée par Tiglat-Phalasar III (744-727), ne pouvait pas rester sans conséquence pour eux. Après diverses interventions militaires, Tiglat-Phalasar monta sur le trône de Babylone en 729. La solution de la double-royauté qu'il choisit offrait l'avantage de ménager les susceptibilités locales, contrairement à une réduction au statut de province.

À la mort de Tiglat-phalasar, le trône babylonien revint au chaldéen Merodach-baladan ; ainsi s'ouvrit une période de trois décennies où Chaldéens et Assyriens se battirent pour le contrôle du trône de Babylone. Les Chaldéens avaient l'avantage de disposer de bases arrières où se replier en cas d'infériorité : les marais, ou le territoire élamite, dont l'aide pouvait être assurée grâce aux richesses dont les Chaldéens disposaient. Mais les habitants de la plupart des villes leur étaient hostiles et le roi d'Assyrie Sargon II (721-705) sut habilement jouer de ces oppositions. Mérodach-baladan, retranché dans sa capitale de Dûr-Yakin, fut vaincu en 707. Plus de cent mille Araméens et Chaldéens furent déportés vers Harrân, la Cilicie, Samarie... tandis que l'on installait sur place des gens venus de Comagène. Pendant cinq ans, la Babylonie fut le chantier d'une intense activité de reconstruction et remise en valeur agricole.

La Babylonie fut le souci principal de l'empereur assyrien Sennacherib (704-689). Plusieurs solutions furent successivement tentées, sans qu'aucune n'aboutisse à un résultat satisfaisant. Lorsque Sennacherib installa son fils héritier sur le trône babylonien, en 699, il crut avoir enfin la paix. Mais les Babyloniens, six ans plus tard, livrèrent Assur-nadin-shumi aux Elamites. Sennacherib se lança alors dans un combat sans merci contre ces derniers. En outre, Sennacherib voulut châtier les habitants de Babylone : après un siège de quinze mois, la ville tomba au début de l'hiver 689. Elle fut l'objet d'une destruction brutale et systématique, qui eut des conséquences dramatiques pendant des années.

La Babylonie connut sous Asarhaddon un tournant. À des années d'invasions assyriennes et d'instabilité – pas moins de dix rois en trente ans ! – succéda le calme. Babylone fut restaurée et une nouvelle ère de prospérité commença. Asarhaddon mourut à Harran en 669 d'une nouvelle rechute de sa maladie. Sa succession avait en effet été soigneusement réglée dès 672 : un engagement de fidélité – adû – fut exigé de toute la population, qui ratifiait le choix d'Assurbanipal comme héritier sur le trône d'Assyrie, et de son frère jumeau Shamash-shum-ukîn sur celui de Babylonie.

En 652 éclatait en Babylonie la révolte de Shamash-shum-ukîn, qui dura jusqu'en 648. L'Assyrie dut fournir un effort militaire tel qu'elle s'y épuisa. La guerre s'acheva par la chute de Babylone après un siège de plus de deux ans. Un certain Kandalanu fut installé sur le trône par Assurbanipal, qui châtia les Élamites et les Arabes qui avaient aidé son frère. On confisqua à des lettrés babyloniens de nombreuses tablettes pour les faire entrer dans la fameuse bibliothèque de Ninive.

Au sud, les Chaldéens, dirigés depuis 625 par Nabopolassar, ne cessaient d'étendre leur emprise sur la Babylonie : Babylone elle-même passa sous leur contrôle en 616. Pour finir, Babyloniens et Mèdes coalisés réussirent à faire s'effondrer le colosse assyrien en 612.

La dynastie néo-babylonienne

L'empire néo-babylonien, qui tient dans notre mémoire collective occidentale une place non négligeable, dura en fait moins d'un siècle (612-539), dont plus de la moitié occupée par un seul règne. Nabuchodonosor II, qui succéda en 605 avant J.-C. à Nabopolassar, régna en effet quarante-trois ans, soit la même durée que son lointain prédécesseur Hammurabi ! Nabuchodonosor mena une politique de grands travaux spectaculaire, en particulier dans sa capitale, Babylone, dont les restes toujours visibles, sont impressionnants : la fameuse voie processionnelle avec la porte d'Ishtar en est une illustration parmi d'autres. Son « image de marque » est assurément plus réussie que celle des Assyriens, au moins à nos yeux. Il ne laissa pas d'inscriptions vantant ses carnages. Les inscriptions commémoratives néo-babyloniennes célèbrent essentiellement la restauration des temples. Les rois y apparaissent parfois comme des archéologues, déblayant les ruines des bâtiments pour en retrouver le plan et les reconstruire à l'identique. Les fouilles, comme celles d'une équipe française à Larsa dans les années quatre-vingt, ont confirmé l'exactitude de leurs descriptions. Mais, non contents de restaurer les constructions, les souverains néo-babyloniens firent aussi revivre des institutions tombées en désuétude. C'est ainsi que Nabonide, renouant avec une tradition qui remontait à Sargon d'Akkad, installa sa fille comme grande-prêtresse du dieu Sîn à Ur. Nous sommes en outre très bien documentés sur la structure administrative et économique des temples à cette époque, en particulier à Uruk, où des milliers de tablettes permettent une reconstitution très précise de la gestion du sanctuaire de l'Eanna. L'exploitation de ses immenses palmeraies, par le biais de fermes générales, est particulièrement bien connue. C'est à cette époque que le système des prébendes, qui existait depuis longtemps, est le mieux documenté. Il permettait d'associer la bourgeoisie urbaine à l'exploitation économique des temples, en rétribuant avec des parts d'offrande des tâches artisanales à effectuer au service du sanctuaire, telles que brasseur, boucher...

Faute de récits similaires aux annales des rois néo-assyriens, les chroniques nous documentent sur les événements politico-militaires de cette époque. Leurs renseignements sont parfois complétés par des sources non-babyloniennes. C'est ainsi que la prise de Jérusalem en 597 et les déportations ultérieures de 587 et 582 ont pris dans l'historiographie une place que les sources purement babyloniennes n'auraient pu leur donner.

Le dernier souverain néo-babylonien, Nabonide, est une figure étrange et qui a donné lieu à des controverses. Il tenta d'imposer le culte du dieu lune, Sîn, au détriment de celui de Marduk, ce que le clergé de sa capitale ne lui pardonna pas. Il passa une dizaine d'années dans l'oasis arabe de Teima, le pouvoir étant alors exercé par son fils, Balthasar. Son règne de vingt-trois ans s'acheva par la chute de Babylone aux mains du perse Cyrus. Ainsi prit fin l'indépendance politique de la Babylonie, qui passa sous la domination perse achéménide pour deux siècles, puis sous celle d'Alexandre et de ses successeurs.

Dominique Charpin
Directeur d'études à l'EPHE, Sorbonne (section des Sciences historiques et philologiques)